Changements climatiques, la part du jardinier.

Changements climatiques, la part du jardinier.

«De toutes les circonstances qui influent sur l’habitation des plantes, la température est sans contredit la plus essentielle» Lamarck de, Candolle A.P. de, 1805 -Flore française.

Augmentation des températures moyennes de 0,7 à 1,1 °C suivant les régions en France, températures estivales plus importantes, plus de sécheresse en été également, plus de ruissellement au printemps comme à l’automne…  Autant de paramètres déjà constatés liés au changement climatique qui impactent fortement sur les cycles de vie des plantes.

LE CONSTAT :

Avec 3 semaines de durée de végétation supplémentaires gagnées en 50 ans le changement climatique a déjà induit un changement de la croissance des plantes au 20ème siècle. L’allongement ses saisons favorables ainsi que l’augmentation du taux de CO2, favorisent la productivité des plantes, notamment celles des arbres qui a augmenté de 40% depuis ½ siècle. Mais le stress hydrique estival est lui aussi allongé… et l’effet de l’augmentation combinée de la chaleur et de la sècheresse provoque des inhibitions et des blocages avec des dépérissements pouvant intervenir sur le moyen terme. En réponse à ces contraintes de chaleur et de sécheresse estivales accrues certaines espèces, les plus « élastiques », réduisent la voilure. Ainsi voit on les pins réduire leur nombre de branches, ainsi que le nombre et la taille de leurs aiguilles, diminuer la densité de leur houppier… afin de perdre moins d’eau par évapotranspiration.

Une saison sèche estivale accrue a pareillement un impact sur l’activité des insectes du sol qui peuvent entrer en repos si la sécheresse se prolonge diminuant d’autant leur action sur la décomposition de la litière et la vie du sol.

Enfin, le déplacement des périodes de floraison et fructification est également avéré. L’analyse des données recueillies par l’Inra depuis 20 – 30 ans (rassemblées dans la base de données Phenoclim) montre une plus grande précocité de floraison des arbres fruitiers. Sur cerisier par exemple une avancée de 20 jours en moyenne en 30 ans de la date de floraison est constatée à Bergerac. Il en est de même sur l’avancée des dates de vendanges, associée à une augmentation du degré alcoolique. Dans le Médoc, la date de vendange a gagné en moyenne 20 jours depuis 1954.

Cette avancée de la période de floraison n’est pas sans risque. On constate déjà une augmentation des dégâts de gel printanier pour les espèces à feuilles caduques, la floraison ayant lieu plus tôt dans l’année, à des périodes où les gels nocturnes sont particulièrement fréquents. Des risques également de non concordance de floraison entre deux variétés fruitières pour la pollinisation croisée ou encore avec l’activité des pollinisateurs peuvent être à craindre.

QUE FAIRE DANS NOS JARDINS ?

Toutes ces nouvelles données suscitent un certain nombre de questions quant à l’adaptation des techniques de jardinage : Quelles variétés implanter (ou à ne plus implanter dans des zones à risque) ? Quel entretien favoriser ? Comment limiter les risques liés à la sécheresse estivale ? Comment maintenir les sols en vie ?

A y regarder de plus près cela fait un moment que les jardiniers prennent en compte, de façon instinctive, toutes ces évolutions.

Ecologique, naturel, bio…autant de qualificatifs des jardins d’aujourd’hui qui attestent que les préoccupations écologiques, longtemps considérées comme l’apanage de doux illuminés, font maintenant partie du quotidien des jardiniers.

« En ces temps d’angoisse sur le réchauffement climatique et l’état de notre planète, il souffle sur nos jardins comme une brise réconfortante, annonciatrice du changement de nos modes de vie » nous disent Guy Boyer et Axelle Corty[1] fin 2006.

Et les indices de ce changement sont nombreux.

Sur les rayons des librairies, les ouvrages sur le jardin écologique fleurissent. Jean Marie Lespinasse[2] ou encore Brigitte Lapouge Dejean[3] nous proposent, à partir de leur expérience personnelle, mille astuces pour jardiner en respectant la nature. Les fêtes des plantes leur emboîtent le pas. Au printemps 2006, celle de St. Jean de Beauregard affichait en gros titre « les plantes au REGIME SEC »! A quelques mois de là, aux journées de Courson le mot d’ordre de l’observatoire des jardins était « Respect » et le premier commandement du jardinier respectueux, économe d’engrais et d’eau : choisir la bonne plante au bon endroit.

Le Conservatoire International des jardins de Chaumont sur Loire, quant à lui, proposait, la même année, une formation, intitulée « fleurir en économisant l’eau », pour guider les jardiniers sur les grandes tendances de demain en matière de fleurissement raisonné et respectueux de la nature.

Même argumentaire pour les pépinières Filippi qui ont fait des plantes adaptées à la sécheresse leur cheval de bataille : « Vous êtes fatigués de tondre, arroser, désherber ? Changez d’idée, changez de jardin ! Abandonnez les plantes trop exigeantes, laissez pousser celles qui demandent peu d’entretien. Essayez l’extraordinaire diversité botanique que permet le climat méditerranéen, dans un jardin facile et original, adapté à votre environnement paysager régional ; Et si vous rangiez une fois pour toute votre tondeuse au garage ? Si vous abandonniez votre système d’arrosage ? Si vous arrêtiez de vous battre pour faire survivre un gazon douteux dans une région où il est mal adapté ? »

Les paysagistes sont aussi rentrés dans ce mouvement. Gilles Clément décline depuis plus de 20 ans sa règle d’or « faire le plus possible avec la nature et le moins contre ». Considéré comme le précurseur et certainement le plus actif défenseur du jardin naturel, il ne cherche pas à dominer la nature mais à l’observer et à s’y insérer[4].

LE MODELE MEDITERRANEEN EN EXEMPLE ;[5]

Quand j’écrivais en 1995 « Jardins de garrigue », j’étais loin d’imaginer que ces enclos de la région nîmoise, promis à une disparition certaine avec l’évolution des modes de vie, pourraient se révéler 15 ans plus tard un modèle pour les jardiniers contemporains et l’adaptation des jardins aux changements climatiques.

Et pourtant… Installés dans un environnement très contraignant où l’eau et la terre sont des denrées rares et où la pierre, la chaleur, le vent et la sécheresse s’allient pour compliquer la vie du jardinier, les jardins de garrigue peuvent être considérés aujourd’hui comme les mieux armés face aux évolutions du climat.

Il suffit d’observer les techniques utilisées par le jardinier méditerranéen pour voir qu’elles répondent en tout point aux bonnes pratiques désormais préconisées. Sans jamais se départir d’une grande ingéniosité, il a su tirer parti des contraintes imposées par le lieu et le climat, usant de mille ruses pour retenir la terre et l’enrichir, jouer de l’ombre et du soleil, se protéger du vent… Mais c’est certainement à la gestion rationnelle de l’eau de pluie qu’il est le plus attentif, maîtrisant ses écoulements, la stockant dans des citernes et bassins astucieusement répartis dans le jardin pour la réutiliser les mois de sècheresse, mais aussi abreuver la petite faune du jardin et encore garder les pieds au sec lors des orages d’automne. Alliés à l’emploi de plantes économes en eau, ces procédés se révèlent des plus efficaces pour la survie du jardin. A une époque où la ressource en eau est un enjeu majeur et où son rationnement  en période estivale est de plus en plus fréquent, aucun de ces enseignements ne doit être négligé.

En matière de résistance à la sècheresse les plantes méditerranéennes sont des championnes et en cela elles sont les partenaires idéales du jardinier moderne. En été, pour se protéger des rigueurs du climat, elles se mettent en dormance, survivant grâce à leurs organes de réserve (bulbeuses et rhizomateuses), recroquevillant leurs feuilles (thym, romarin, cistes…) ou encore installant un paillage naturel à leur pied, issu de la chute des feuilles les plus anciennes (à ne surtout pas ratisser…) (cistes, coronille, buplèvre, arbousiers…). Pailler devrait devenir l’un des maîtres mot du jardinage  en ce XXIème siècle !…

A l’état naturel les plantes méditerranéennes composent des paysages souvent austères. Il en va tout autrement lorsqu’elles sont mises en scène dans les jardins. Avec des feuillages persistants se prêtant bien à la taille, et des gammes de couleurs allant du gris au vert profond, sans oublier les senteurs puissantes qui en émanent, elles rivalisent avec les plus belles horticoles. Buis, filaires, nerprun, laurier tin pour les plus grandes, buplèvre, thym, romarin, fenouil, armoise, rue, euphorbe, phlomis, germandrée petit chêne pour l’étage inférieur, se marient dans des agencements, graphiques ou foisonnants, selon l’inspiration du jardinier. Si les feuillages dominent par leur présence tout au long de l’année, les fleurs ne sont pas en reste au printemps. Coronilles, cistes, sauges, lavandes, badasse, lilas d’Espagne, mais aussi toute la gamme des plantes à rhizome et des bulbeuses : iris, cyclamen, scilles, muscaris, narcisses…. Et à l’automne c’est sur les petits fruits qu’il faut compter pour animer le jardin et ravitailler les oiseaux : Arbousier, nerprun, filaire, laurier tin.

Bien sur les plantes nées dans les garrigues méditerranéennes ne sont pas les seules à se plaire dans nos jardins. Depuis longtemps déjà, cyprès, lilas, arbres de Judée, amandiers, figuiers, cognassiers, spirées… font partie de la même palette végétale. Et bien d’autres espèces répondant aux exigences d’un climat aux étés secs et chauds existent désormais dans le commerce. Les feuillages argentés y dominent : armoises, chalef (Eleagnus x ebbingei), liseron (Convolvulus cneorum), népéta, Sauge de Jérusalem (Phlomis fruticosa), santoline, oreille d’ours (Stachys lanata), germandrée (Teucrium fruticans)….

Au final, le « jardin à venir » est sans aucun doute celui de Gilles Glément, qui, nous dit-il, « s’accommode des conditions naturelles, exploite les matériaux locaux, réduit les transports et les dépenses d’énergie, inventorie toutes les manière d’utiliser l’eau avec discrétion, cherche le sens direct et simple du terrain… »[6]

[1] Connaissance des arts, Jardins n°3, octobre 2006 – janvier 2007.

[2] Lespinasse, J.M., Le jardin naturel, éd. du Rouergue, 2005

[3] Lapouge – Dejean, B., Jardin de fleurs, jardin bio, éd. Terre Vivante, 2004

[4] Clément, G., Jones, L., Gilles Clément une écologie humaniste, éd. Aubanel, 2006.

[5] Mure, V. « Jardins de garrigue » , Edisud , 2007.

[6] Clément, G., Jones, L., ibid

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