La terre incendiée

La terre incendiée

Nîmes, 25 juillet 2017. Chaleur, sécheresse, mistral….

En début d’après midi, un feu embrase les « Terres de Rouvière ». Un massif en plein cœur de la garrigue habitée nîmoise, couvert de pins d’Alep et de genêts. Attisées par le vent, les flammes vont parcourir 16 hectares en quelques heures.

29 engins et 148 Sapeurs-Pompiers appuyés par quatre avions bombardiers d’eau en viendront à bout en fin d’après midi.

Et après ?

Le 11 août 2017, dix-sept jours après. Il n’a toujours pas plu.

Un sol noir. Une végétation calcinée mais pas réduite en cendre. Herbes, arbustes, arbres sont comme pétrifiés, figés dans leur dernier mouvement. Le feu a couru vite.

Seuls points blancs dans ce paysage noirci par la combustion, les coquilles de centaines d’escargots, pris au piège des flammes.

Tout un écosystème stoppé net…

Stoppé net, vraiment ?

Les fourmilières sont vides, mais çà et là pointent déjà de jeunes feuilles bien vertes, qui augurent d’un tapis herbacé recouvrant bientôt la terre incendiée. Des graminées (Poacées) relèvent le défi du feu, et confirment leur réputation de pyrophytes, avec un système racinaire en profondeur. Mais aussi la bitumineuse (Bituminaria bituminosa), une Fabacée reconnaissable à ses feuilles trilobées à la forte odeur de goudron, des scabieuses, des Astéracées… tout un cortège floristique montre sa détermination à vivre à peine deux semaines après le passage du feu.

Pour les pins et les genêts pas de repousse possible. Pourtant, à leur pied, pignes et gousses béantes, ont libéré leurs graines sous l’effet de la chaleur de l’incendie. Partout dans la pinède brûlée les fines ailes des pignons d’Alep témoignent de la mise en route du processus de reproduction.

La pinède n’a pas dit son dernier mot.

Le feu non plus…

La solution pour réduire le risque encouru par les habitants qui vivent à proximité vient-elle du débroussaillement ? Faut-il broyer la végétation pour éviter quelle ne soit réduite en cendre et que le feu vienne menacer les maisons  ?

Ou faut-il accompagner l’écosystème vers une meilleure résistance ?

Un petit bosquet d’ormes préservé des flammes apporte, à sa manière, une réponse.

Relisons aussi « La terre incendiée » de Kuhnholtz-Lordat, édité en 1938, à Nîmes justement.

« L’art forestier est un art difficile et délicat, parce qu’il repose essentiellement sur le dosage (…) c’est pour cela que les forestiers français font preuve d’une admirable prévoyance en généralisant les pratiques de jardinage qui est avant tout un savant dosage destiné à porter le moins de troubles possible à une ambiance favorable à la régénération.

Le jardinage devient ainsi vis à vis de la flamme un puissant préventif, parce que le feu n’est point l’ami des forêts bien constituées. Nous avons eu l’occasion d’étudier l’influence du jardinage (…) c’est un élément stabilisateur de premier ordre. (…)

Nous croyons pouvoir conclure que dans les régions à période xérothermique accusée, il faut étudier les méthodes qui permettrons de revenir à une forêt de feuillue mélangée. »*

The Earth on fire

Nîmes, 25 July 2017. Heat, drought, mistral…

At the start of the afternoon, a fire set ablaze the “Terres de Rouvière”. A massif at the heart of the scrubland of Nîmes, covered with Alep pines and broom. Fueled by the wind, the flames engulfed 16 hectares in a few hours.

29 fire engines and 148 fire-fighters supported by four water-bomb airplanes were on the scene by the end of the afternoon.

And then?

On 11 August 2017, seventeen days later. It still hasn’t rained.

Black soil. Vegetation scorched but not reduced to cinders. Herbs, bushes and trees are as if petrified, frozen in their last movement. The fire moved fast.

The only white dots on this landscape charred by the combustion are the shells of hundreds of snails that were trapped in the flames.

An entire ecosystem stopped cold…

Stopped cold, really?

The anthills are empty, but here and there, young, very green leaves are already sticking out, heralding a herbaceous carpet that will soon cover up the burnt earth. A few grasses (Poaceae) show an act of defiance to the fire, and confirm their reputation as pyrophytes with a deep-root system. But also the trefoil and Arab pea (Bituminaria bituminosa), a Fabaceae recognisable by its tri-lobed leaves with a strong smell of tar, the Scabiosas, Asteraceae… an entire floral procession shows its determination to live barely two weeks after the fire ravaged through.

For the pines and broom, no regrowth possible. However, at their feet, pine cones and gaping pods have spread their seeds under the effects of the fire’s heat. Everywhere in the burned forest, the fine wings of the Alep pine kernels bear witness to the initiation of the reproduction process.

The pine forest hasn’t had its last word.

Neither has the fire…

Is the solution for reducing the risk for residents living in the proximity to just clear the ground? Should the vegetation be ground up to avoid it from being reduced to cinders and the fire reaching their houses?

Or should the ecosystem be brought to have better resistance?

A small grove of elms preserved from the flames gives, in its way, a reply.

We should also read “La terre incendiée” by Kuhnholtz-Lordat, published in 1938, in Nîmes.

“Forestry is a difficult and delicate art, because it rests essentially on the dosage (…) that’s why French forestry experts show an admirable foresight when exercising gardening practices which is, above all, a careful blend aimed at producing the least disturbance possible in an environment favourable to regeneration.

Gardening thus becomes a powerful preventative against the flame, because fire is no friend of well-constituted forests. We have had occasion to study the influence of gardening (…) it is a stabilising element of the first order. (…)

We may be able to conclude that in strongly xerothermic regions, one must study the methods allowing us to return to a mixed, broad-leafed forest.”*

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Repousse des graminées (Poaceae)

Repousse des graminées (Poaceae)

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Pigne de Pin d’Alep (Pinus halepensis – Pinaceae)

 

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Aile des graines de Pin d’Alep (Pinus halepensis)

Gousse de genêt d'Espagne (Fabaceae)

Gousse de genêt d’Espagne (Fabaceae)

Asteraceae

Asteraceae

Bituminaria bituminosa (Fabaceae)

Bituminaria bituminosa (Fabaceae)

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Orme

Orme

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Merci à Nicole Cavalié de m’avoir fait partager sa connaissance du site et son expérience vécue lors de cette journée du 25 juillet. Merci aussi pour la photo de couverture.

*Kuhnholtz-Lordat G., La terre incendiée, essai d’agronomie comparée, Editions de la Maison carrée – Nîmes, 1938.

 

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