J’aime beaucoup le Xanthoceras sorbifolia. Pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que c’est vraiment un bel arbuste d’ornement, pas très grand (pour ma part je ne l’ai jamais vu plus grand que 3m mais il semble pouvoir atteindre les 6), avec un feuillage caduque d’un vert assez franc. Ses feuilles, comme son nom l’indique, ressemblent à celles du sorbier, mais c’est surtout sa floraison qui est intéressante.  Des grappes de fleurs blanches, au cœur légèrement rouge, qui apparaissent juste avant les feuilles. La ressemblance de ces inflorescences avec celles du marronnier d’Inde est frappante. Pas étonnant que ces derniers, tout comme les érables, aient rejoint récemment la famille du Xanthoceras, les Sapindacées (qui par contre n’ont rien à voir avec les sapins). Bon, d’accord, cette cuisine de botanistes n’intéresse que les spécialistes… et renforce ce qu’en disait Alphonse Karr « La botanique est l’art de dessécher les plantes entre des feuilles de papier brouillard et de les injurier en grec et en latin. »…

A ce propos quel est le nom français  du Xanthoceras ? Son nom commun ? Eh bien, il semble qu’il n’en ait pas… Passée la surprise, j’ai assimilé cette absence de nom d’usage à cette autre surprise : malgré ses qualités esthétiques, l’utilisation de ce petit arbre, assez fréquent dans les jardins au début du XXème siècle, s’est perdue. Il a été abandonné… Un arbre pas nommé et pas adopté… Et pourtant à lire ce que les spécialistes comme Paul Dana, en disent fin XIXème, il semblait promis à une belle vie horticole : « I first saw a plant of Xanthoceras at Baden-Baden on the grounds of Herr Max Leichtlin about the year 1884. I admired it, and Herr Leichtlin spoke of it as a new plant of great promise, which he felt sure would be an acquisition to horticulture. »1

Aujourd’hui seuls quelques exemplaires encore vivants dans les jardins témoignent de son usage d’ornement. Et ce n’est pas dans les jardins botaniques qu’on les trouve ou dans les jardins de collection, non, ils étaient fréquents dans les jardins modestes, les jardins de mazet, par exemple, ceux de la garrigue nîmoise. A Lecépède en Lot et Garonne et à Montastruc-la-Conseillère, en Haute Garonne cette fois, deux exemplaires ont été distingués comme arbres remarquables.

Qui pourrait dire pourquoi le Xanthoceras n’a jamais été nommé et pourquoi il a disparu de notre palette de plantes horticoles ?

Mais au fait d’où venait il ?

Sa patrie d’origine est le nord de la Chine.

Comme en témoigne la paternité de son nom latin « Xanthoceras sorbifolia Bunge », la première description du Xanthoceras, fut celle du botaniste Alexander Bunge qui accompagnait une mission Russe de Saint Petersburg à Pékin dans les années 1840. Mais ce n’est que plus tard, en 1866, qu’il fut introduit au Museum d’histoire naturelle de Paris, envoyé par l’Abbé Armand David, alors en expédition dans les montagnes de Mongolie. Le père David consigne cette découverte dans ses carnets de voyage. C’est, semble-t-il, avec un plaisir extrême qu’il observe, en ce mois de mai, sur les hauteurs de l’Ourato, le xanthocère à feuille de sorbier à l’état sauvage, un charmant arbuste cultivé à Pékin comme plante d’ornement.

Et bien, voici un nom commun !!! Le xanthocère à feuille de sorbier ! Le voilà donc adopté… Mais quelqu’un d’autre que le père David a-t-il utilisé ce nom ?

Il est grand temps de ressusciter ce beau petit arbre. Ayant récupéré des graines, il y a une vingtaine d’année, j’en ai envoyé à quelques pépiniéristes de ma connaissance, et un jeune pied, qui a déjà fleuri deux années, prospère à la Bigotie.

Il semble que la multiplication soit plus efficace par boutures de racine.

C’est bientôt la saison des plantations pour les arbres, alors à vous de jouer maintenant…

1 Garden and Forest 6 (1893): 284-286