La Figue – Francis Ponge

La Figue – Francis Ponge

La Figue

In « Comment une figue de parole et pourquoi » Francis Ponge, 1958.

 

Je ne sais pas du tout ce qu’est la poésie, mais assez bien ce que c’est qu’une figue.

(…) La figue sèche est un exemple de nos savoureuses difficultés d’ici-bas.

(…) Ce n’est qu’une pauvre gourde, d’apparence pierreuse mais molle, un pauvre couillon flétri, fripé, d’un tissu épais mais élastique, sous une sorte poudreuse d’un lichen sucré.

Presque informe, comme certaines petites églises ou chapelles rustiques (perdues isolées dans la campagne) bâties sans beaucoup de façons, et que le temps et l’érosion ont rendu extérieurement presque informes.

(…) Parfois l’on se rencontre(nt) dans la campagne au creux d’une région bocagère, comme un fruit tombé, une pauvre église romane, très ancienne, de forme romane érodée, un peu enterrée, enfouie dans l’herbe.

Le portail ouvert, il se laisse voir au fond luire un autel scintillant, l’or de ses pépins comme une flamme de bougie, dans la pourpre de la pulpe. Oh la confiture sucrée.

IMG_9775 - copie

La figue est molle et rare : telle est la phrase, aussitôt jugée peu satisfaisante, qui me fut donnée automatiquement.

La figue est une pauvre gourde, comme une pauvre église de campagne, à l’intérieur de laquelle luit un autel scintillant.

Notons tout de suite que nous parlons de la figue sèche.

Nous l’aimons comme notre tétine ; comme une tétine par chance comestible. Couleur de pierre sèche, et comportant une sorte de pâte ou de confiture réduite, sablée de pépins.

La figue, cette pauvre gourde, est un grenier à tracasseries pour les dents. Un fruit naturellement confit, d’apparence modeste, mais à l’intérieur duquel luit un autel scintillant.

Une grosse perle de caoutchouc, une petite poire baroque.

Un pauvre petit argument massue.

Vous aimerez aussi

Il n'y a pas de commentaires