Saint Michel et les jujubes.

Saint Michel et les jujubes.

A priori il n’y a aucun lien entre Saint Michel et les jujubes.

Juste une coïncidence de date : le 29 septembre !

En occident c’est le 29 septembre que nous fêtons la Saint Michel, Saint patron des marchands de fruits et légumes mais aussi des artistes et de tout un tas de professions… Il est invoqué pour avoir la force de lutter contre les tentations et pour faire cesser les tempêtes… Pouvoirs dont les nîmois peuvent légitimement douter… C’est un 29 septembre que les massacres de la Michelade eurent lieu en 1567 et ce même jour que la ville subit des inondations catastrophiques en 1958…

En France, c’est à cette date qu’expirent les baux ruraux et que les fermiers et les métayers payaient autrefois leurs fermages après la récolte.

Et puis c’est ce jour là que se tient à Nîmes une foire franche. Charles VI en décida la création en 1392 afin de sauver les habitants de la ville alors en état de désolation. La foire de la Saint-Michel donc, foire aux ânes, foire à l’ail…

Une de ces foires dont le rôle économique pour les villes était capital avec une activité commerciale intense concentrée sur quelques jours, et dont le rôle festif pour l’ensemble de la population n’en était pas moins important. Les chroniqueurs du XIXe siècle font état de la présence de nombreux manèges, musées, théâtres, ménageries, galeries ou montreurs de curiosités humaines. C’est sur la foire de la Saint Michel que les nîmois virent un des premiers « cinéphotographes » en 1896.

A cette époque là, nous apprend Frédéric Mistral, dans son « Tresor dou felibrige ou dictionnaire provençal-français » la foire de la Saint Michel est la Fiero di ginjourlo, la foire aux jujubes.

Des jujubes arrivés à maturité en cette fin septembre, que l’on achète alors en cornet auprès des marchands ambulants, filles et garçons se chicanant avec ces petits fruits de la taille d’une olive, devenus projectiles. Il s’en vend ces jours là une quantité incalculable.

Mais que viennent faire ces jujubes à la foire de la Saint Michel ?

Si à Nîmes on appelle les jujubes « dindoulo », pour les botanistes, le Jujubier a pour nom Ziziphus vulgaris, de la famille des Rhamnacées, cousin du paliure épine du christ (Paliurus spina christi) et des alaternes (Rhamnus alaternus).

jujubier rue roussy4

Son fruit était employé pour confectionner des tisanes ou des pâtes pectorales et adoucissantes. Une pâte de jujubes que l’on suçait pour s’adoucir la gorge.

Au milieu du XIXe siècle, la « banlieu » de Nîmes était réputée pour en produire autant que tout le reste da la France[1].

Pour retracer comment ces arbres fruitiers sont arrivés dans les vergers et jardins il faut tout d’abord écouter Pline.

Dans son histoire naturelle, il nous donne les premiers indices de leur voyage de la Syrie à l’Italie au 1er siècle : « Les jujubes (Zizyphus vulgaris, Lam.) (…) sont exotiques, et il n’y a même pas longtemps que ces fruits sont venus en Italie; (…) de la Syrie. Sext. Papinius, que nous avons vu consul, les a, le premier, apportés, dans les derniers temps du règne du dieu Auguste ; on les sema dans les camps. Les jujubiers portent des fruits plus semblables à des baies qu’à des pommes; c’est surtout pour les terrasses qu’ils forment un ornement (…) » Pline XV – XIV.

Par la suite, les fouilles archéologiques révèlent la présence de jujubes dans quelques ensembles grecs et romains de la gaule en compagnie des dattes et des grenades.

Au Moyen-Âge (XII-XIVe siècles), on ne retrouve pas de reste de jujubes dans les dépotoirs languedociens, confirmant ainsi leur absence des cultures locales, ils sont par contre recensés dans les leudes, droits de péages qui se levaient en Languedoc, et vendus sur les marchés comme fruits exotiques, venus d’Espagne ou d’Afrique du nord en compagnie des dattes, agrumes et des grenades[2].

C’est certainement par cette route, que l’arbre aura suivi le fruit… De sorte que l’on va retrouver les jujubiers fort communs et même naturalisés, en Languedoc et particulièrement en Provence, à la fin du XVIIIe siècle[3].

Presque un siècle plus tard, en 1862, Le botaniste nîmois Casimir de Pouzol nous dit que le jujubier, est connu dans tout le département du Gard sous le nom de dindoulier où il est souvent cultivé et même devenu subspontané.

Pourtant, si la foire de la Saint Michel perdure, les jujubiers ont aujourd’hui disparu de la campagne nîmoise, seuls quelques arbres isolés dans les jardins et le souvenir des cornets de jujubes achetés le 29 septembre, témoignent de cette histoire.

jujubes

[1] Marquis de la Fare-Alais, Las Castagnos, Poésies languedociennes, Veirun imprimeur, 1851.

[2] Les fruits de l’alimentation médiévale en France du Sud, entre marchés, recettes et dépotoirs.

Marie-Pierre Ruas , Carole Puig , Bénédicte Pradat , Laurent Bouby , Perrine Mane   Archéologie du Midi médiéval     Année   2005   Volume   23   Numéro   23-24   pp. 195-206

[3] Valmont de Bomare « dictionnaire universel d’histoire naturelle », 1791

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