Le voyageur qui porte de l’armoise et de la sauge attachées sur lui ne ressent point, dit-on, de lassitude.
Pline, XXVI, 150
Salvia, la sauge, nous sauvera-t-elle ?
Son nom, dérivé du latin salvo (guérir), sonne comme une promesse.
Plante sacrée chez les Romains, ils la cueillaient chaque année avec un cérémonial bien réglé. Depuis elle a conservé sa réputation de plante hautement bienfaisante. Ne doit-elle pas ce nom, à une légende qui veut que Marie, la mère de Jésus, ait pu échapper aux soldats d’Hérode, en se cachant sous un pied de sauge ? Va-t-elle nous permettre d’entrevoir l’avenir grâce à ses vertus divinatoires (Salvia divinorium) ? Purifier notre atmosphère (Salvia apiana; Salvia elegans ) ? Parfumer notre quotidien (Salvia sclarea) ? Aromatiser nos plats (Salvia officinalis) ? Ou encore juste embellir nos jardins (les 900 espèces du genre…) ?
Odeurs de peste…
L’huile essentielle de sauge, tout comme celles de beaucoup de Lamiacées, thym, origan, sarriette, lavande, menthe, romarin, hysope est réputée pour ses propriétés antibactériennes et antifongiques, même si c’est l’essence de thym la plus souvent rapportée comme la plus active.
Rappelons, qu’elles ont tenu une place importante lors des grandes épidémies méridionales de peste. Et on sait les ravages qu’a accompli ce terrible fléau du XVe au XVIIIe siècle… L’odeur est alors la signature de la maladie (elle aurait donné naissance, au milieu du XVIème siècle au verbe empester). Ainsi était-il coutume de penser qu’en éliminant les mauvaises odeurs, on éliminait la maladie. « Faire disparaître l’odeur du malade c’est déjà chasser la maladie » recommande-t-on alors. En cela les parfums furent considérés et utilisés comme des moyens de lutte. Aux XVIIe et XVIIIe siècles les parfums étaient destinés aux fumigations (étymologiquement parfum = « per fumum« ) et constitués de mélanges très complexes de substances aromatiques d’origine végétale et animales auxquelles on ajoutait des substances minérales (Peyron). Une longue liste de plantes était en vigueur, mais toutes n’étaient pas utilisées avec la même fréquence. Elle pouvait également varier en fonction du niveau de vie, les populations les plus riches pouvant acquérir les substances les plus rares tandis que les plus pauvres devaient se contenter des espèces indigènes de la garrigue. La sauge était bien entendu de celles là avec le cade, le cyprès, le romarin, la rue, l’euphorbe, le térébinthe, la scabieuse…. Chaque commune avait un ou plusieurs parfumeurs.
Voilà la sauge, ou plutôt les sauges, indispensables, et nous le savons. Ne dit-on pas : Qui a de la sauge dans son jardin, n’a pas besoin d’un médecin…
Annuelles, bisannuelles, vivaces ou arbustives, présentent sur tous les continents (sauf en Australie), il y en a pour tous les jardins, de toutes les couleurs, de toutes les formes, de toutes les odeurs…
Mais pour être tout à fait honnête toutes ces qualités ne sont pas pour nos beaux yeux…
Prenons la sauge des devins (Salvia divinorium), les molécules volatiles qu’elle sécrète, de la salvinorine, éloignent les insectes et dissuadent les herbivores de la brouter. Plus fort encore, outre une communication entre les différentes parties de la plante soumise à une attaque de phytophages, les composés volatils émis sont capables de stimuler la même réactions chez les plantes situées dans leur voisinage proche.
Avec leurs tiges carrées et leurs feuilles opposées décussées – comme toutes les plantes de la famille de Lamiacées – avec leurs glandes odoriférantes (trichomes), leur calice et leur corolle bilabiés, elles sont facilement identifiables. Mais ce qui m’épate le plus chez elles c’est l’astucieux dispositif mis en place pour leur pollinisation. Des étamines soudées, en forme de balancier. L’une stérile qui sert de pédalier, sur laquelle vient buter l’insecte pollinisateur en plongée dans la corolle en quête de nectar. L’autre fertile, qui, une fois basculée, dépose délicatement le pollen sur le dos du visiteur. Et voilà, le tour est joué !
NB : En image d’ouverture de cet article un fragment de sauge de ce qui aurait pu être la grotte rustique des Tuileries commandée par Catherine de Médicis à Bernard Palissy au XVIe siècle.
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