La fleur et l’oiseau, une alliance entre délicatesse et rapport de force….

La fleur et l’oiseau, une alliance entre délicatesse et rapport de force….

 

A chaque fleur ses stratégies pour attirer son ou ses pollinisateurs. Deploiement de couleurs, de parfums, production de nectar, offre d’abri, tout est tenté par les fleur zoophiles.

Cependant pour les fleurs plus spécifiquement ornithophiles, dont le vecteur de pollinisation est un oiseau, le principal défi réside moins dans l’attraction que dans la protection. Se protéger de l’assaut puissant et potentiellement dévastateur du bec des oiseaux, même des plus petits d’entre eux, voilà le véritable enjeu !

Pour les oiseaux les fleurs vont avant tout être une source d’alimentation, et plus précisément de nectar. Quelque fois se sont des insectes attirés par la fleur dont les oiseaux se nourrissent. Mais il faut avouer qu’ils sont d’une délicatesse assez sommaire et seules les fleurs les plus grandes et les plus robustes seront à même de résister aux coups de bec. Par ailleurs, bien que les oiseaux ne se posent pratiquement jamais sur la fleur pour la visiter, les espèces ornithophiles sont plutôt des arbres ou des arbustes, voire des lianes, mais jamais des herbes.

Pour protéger ses organes reproducteurs et en particulier son ovaire, la fleur ornithophile développe diverses stratégies dont l’une est d’élaborer des dispositifs qui séparent efficacement l’ovaire des nectaires, l’enfouissant au tréfonds des pièces florales ou le plaçant bien au dessus.

C’est ce choix qu’à fait la passiflore (Passiflora sp), une liane aux grandes fleurs adaptées aux oiseaux. La fleur de la passion doit son nom à la structure de ses pièces florales qui évoqueraient les instruments de la passion du Christ :

  • Un style trifide aux stigmates épais pour les trois clous de la crucifixion
  • Un ovaire porté par un long pédoncule, pour l’éponge vinaigrée au bout du chaume d’un roseau
  • Les cinq étamines, pour les cinq blessures
  • L’ornementation de la corolle frangée pour la couronne d’épines
  • Les 10 tépales pour les 10 apôtres à l’exception de Pierre et de Juda

Que faut-il retenir de la structure de cette fleur étrange pour notre propos ?

Au centre de la collerette frangée, ornementée telle une cible dont le cœur concentre tous les regards, se trouve une « coupe » emplie de nectar. Une coupe dont la passiflore a pris soin d’éloigner son ovaire en le surélevant bien au dessus des pièces florales. Il s’agit donc là d’une stratégie de protection des pièces reproductrices vis à vis du mode de pollinisation.

Notons au passage l’orientation vers le bas des étamines et des stigmates, pour entrer en contact avec l’oiseau lorsqu’il s’alimente de nectar.

Mais revenons aux caractéristiques des fleurs ornithophiles, et plus particulièrement à leur couleur. On les dits souvent brillamment parées et plus particulièrement en rouge (érythrine, flamboyant, hibiscus…). Mais il semble que le bleu pur est aussi prisé des oiseaux. Certaine Broméliacées, tels les tillandsias ou les puyas le montre. D’autres fleurs se parent de plusieurs couleurs avec une palette de teintes digne des couleurs du plumage de certains oiseaux. On note que ceux ci ont un certain attrait pour les couleurs similaires à celles qui composent leur propre plumage. C’est l’exemple que nous offre la strélizia, une musacée d’Afrique australe connue dans nos jardins sous le nom commun d’oiseau du paradis. Il doit ce nom à la forme élancée de sa fleur évoquant un oiseau prêt à prendre son vol. Une fleur très robuste qui peut servir de perchoir et qui marie l’orange chaud des sépales et le bleu violet des pétales ; le même assortiment de couleurs que le Nectarinia, petit oiseau suceur qui pollinise ses fleurs.

D’un point de vue de leur forme, les fleurs ornithophiles peuvent être regroupées en deux grandes familles :

  • les fleurs tubulaires, permettant l’insertion des becs longs et fins de certains oiseaux comme les colibris. C’est l’exemple des hibiscus ou des aloes.
  • Les fleurs en brosse ou en rince bouteille comme les eucalyptus, les banksias ou les callistemons. Celles là couvrent leur visiteur de pollen grâce à leurs très nombreuses étamines.

Les espèces ornithophiles sont essentiellement inter-tropicales. En l’absence de saison limitante une forêt offre des fleurs tout au long de l’année, ce que n’offrent pas les milieux des zones tempérées comme la notre.

Si l’ornithophilie peut sembler un mode de pollinisation plutôt rudimentaire, sont efficacité est cependant surprenante. Un même oiseau consacrant quelques secondes à chaque fleur peut en visiter plusieurs milliers par jours. On conçoit alors que de nombreuses fleurs tropicales aient adoptées ce mode de pollinisation. Au Brésil par exemple on estime que 20% des plantes à fleurs, les Angiospermes, ont fait ce choix.

Passiflore bleue, Passiflora caerulea, ©Rustica

Passiflore bleue, Passiflora caerulea, ©Rustica

©M Bouzige

Passiflore bleue Passiflora caerulea ©Michel Bouzige

détail d'une passiflore bleue ©M Bouzige

Détail des organes reproducteur d’une passiflore bleue ©M Bouzige

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