Mystérieux Hortensia…

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Mystérieux Hortensia…

J’ai un faible pour les hortensias, qui, comme pour beaucoup d’entre nous, me rappellent le jardin de mes grands parents.

Alignés contre un mur au nord, dans les montagnes pluvieuses de l’Ardèche, ils étaient là dans leur situation préférée et déployaient à l’envie leurs têtes rondes roses ou bleues.

L’été fini, nous emportions des bouquets qui, tout l’automne, allaient nous permettre de garder un petit bout du jardin près de nous, où que nous soyons.

Mais s’est-on interrogé sur ce qui fait que ces fleurs d’hortensia durent des mois sans jamais que les pétales ne tombent ?

La réponse à cette question se trouve facilement si l’on observe attentivement les fleurs.

La première des choses que l’on constate est que cette « boule » est composée d’une multitude de fleurs, disposées en corymbe. La particularité de cette inflorescence où toutes les fleurs se trouvent sur un même plan, est que seules les fleurs centrales sont fertiles. Les fleurs du pourtour de l’inflorescence sont stériles et n’ont qu’un rôle d’attraction pour la pollinisation.

En y regardant d’un peu plus près on aperçoit une petite fleur emboitée au centre d’une plus grande. Cette disposition nous révèle que les parties les plus voyantes de la fleur ne sont pas en fait des pétales mais des sépales qui, dans ce cas, se colorent et prennent la place des pétales. De ce fait, lorsque la fleur se fane et finie par tomber, restent en place ces sépales pétaloïdes dont les couleurs évoluent dans des dégradés de vert et de vieux rose.

Cette plante au charme un peu désuet, est associée à l’amour dans le langage des fleurs. Un amour naissant, secret, voire même illicite, suivant la forme et la couleur de ses fleurs…

Et ce n’est pas un hasard quand on sait comment elle a été nommée.

C’est en l’honneur d’une amie proche et très intime, Nicole Reine Lepaute, que Philibert Commerson, Médecin et naturaliste de l’expédition de Bougainville, la nomma en 1773. L’évidence de l’hommage ne saute pas aux yeux à priori, j’en conviens ! Pour s’en persuader il faut donc rentrer un peu plus dans l’histoire. Philibert commença par identifier son échantillon sous le nom de Peautia celestina. Lorsque l’on sait que Madame Lapaute était une astronome renommée, la filiation s’impose. Mais peu de temps après, il corrigea de sa main l’identification en Hortensia coerulea, avec pour seule explication, qu’il serait meilleur de dire ainsi. Les botanistes historiens voient dans ce changement la rectification d’un doublon. Le genre Peautia étant déjà utilisé pour une autre plante nommée en 1770 (Peautia xerostate). Mais alors pourquoi le choix d’Hortense ? En référence aux plantes du jardin, l’ « Hortus » ? Peu probable… L’origine de ce choix relèverait plus tôt d’un secret d’alcôve. Tout porte à croire en effet que Madame Lepaute, Nicole Reine de son prénom, se faisait appeler dans l’intimité « Hortense »*. Certains ont dit que c’était le prénom de sa fille, morte prématurément, mais il semble qu’elle n’ait jamais eu d’enfant…

Ce n’est que bien des années plu tard, en 1790, que le premier hortensia vivant, Hydrangea hortensis, fut introduit de Chine dans le jardin de Kew en Angleterre par Sir Joseph Banks**. Il était alors l’emblème des fanfarons, on imagine bien pourquoi… et allait donner toutes les générations d’hortensias que nous cultivons aujourd’hui, Hydrangea macrophylla.

Hydrangea ! Un nom bien sage, de racine grecque, en relation avec la forme de ses fruits (« Hydro »- eau et « angeion » – fut ou jarre).

Pour ma part je continuerai à l’appeler Hortensia.

* Cointat M., Histoires de fleurs, les plus jolies fleurs du jardin. 2002, l’Harmattan.

** Catharine Harbeson Esling, Flora’s lexicon 1839

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