L’hellébore, une fleur au coeur de l’hiver.

L’hellébore, une fleur au coeur de l’hiver.

En fleur au plein cœur de l’hiver, l’hellébore noir (Helleborus niger) doit ces jours ci faire face aux frimas, affronter la neige, braver le froid.

Le joli nom de « rose de Noël » qu’on lui donne ne suffit certainement pas à soulager les morsures du gel. Cependant il semble traverser impassible cet épisode, s’en accommoder, voire peut être même l’aimer… qui sait ?

Au milieu de cette grisaille, l’hellébore nous offre la magnifique palette de couleurs de ses sépales persistants, tout en nuances de crème, de vieux-rose et de vert. Une variation qui est tout un message. Des sépales colorés et attractifs pour les insectes, à maturité des organes sexuels de la fleur. Puis tirant sur le vert dès la fécondation accomplie. Au moment où l’activité photosynthétique de la plante augmente, pour répondre à un besoin accru d’énergie, les sépales participent à l’effort général.

Le déploiement de couleur n’est pas le seul système attractif développé par l’hellébore. Si les sépales ont pris la place des pétales (sépales pétaloïdes), c’est que les pétales, eux, jouent un autre rôle… Transformés en petits tubes, ils contiennent un nectar propre à séduire n’importe qu’elle abeille qui passe par là…

A une époque où les insectes ne sont pas légion il lui fallait mettre toutes les chances de son côté pour les attirer. Et à l’inverse l’hellébore est un bien précieux pour les abeilles en quête de nectar à une saison où les fleurs sont rares.

Mais ne nous y trompons pas, si la coopération entre l’hellébore et l’abeille est avantageuse pour les deux parties, il n’en va pas de même avec les humains. On peut même affirmer l’inverse.

Et si l’expression « purger avec l’hellébore » traine encore dans des recueils de poésie ou de théâtre, dans les fables de Jean de la Fontaine (1) ou les pièces de Molière (2), elle n’est vraiment plus d’actualité. Pourtant de l’Antiquité au Moyen-âge, voire jusqu’au XVIIIème siècle, on a cru que pris en poudre ou en infusion, il pouvait vaincre la folie, servir de purgatif, soulager les maux de dents ou stimuler le coeur. Dans la Rome antique, le proverbe « Mettre le cap sur Anticyre » signifiait montrer des signes de folie. Le Mont Oeta près d’Anticyre est un lieu connu pour la qualité de sa production d’ellébore. L’ellébore d’Anticyre est reconnu par François Rabelais, médecin au XVIème siècle, comme le meilleur moyen pour nettoyer toute « l’altération et perverse habitude du cerveau ». Mais on sait bien aujourd’hui qu’il est surtout très toxique.

Il ? De quel hellébore parle-t-on ici ? Difficile à dire tant une grande confusion semble régner autour de son nom à l’étymologie déjà obscure. Confusion autour des deux orthographes, hellébore ou ellébore, que l’on peut employer sans distinction. Confusion autour de son genre résolument masculin alors que l’usage aurait tendance à le féminiser. Confusion enfin sur l’identité de la plante ainsi nommée. S’il semble bien que l’hellébore des Anciens soit l’hellébore noir, on trouve dans la nature sept autres espèces dont l’hellébore oriental vanté contre la folie. Sans parler de leur homonyme, l’hellébore blanc, qui n’est autre que le très dangereux vérâtre blanc (Veratrum album) une Liliacée des montagnes.

Une dernière chose encore, en astrologie la plante est considérée comme malfaisante, provoquant la calomnie et la mauvaise réputation, rentrant même dans la composition de filtres destinés à jeter des sortilèges… Mais pendu à la poutre d’une grange l’hellébore noir en chassera les êtres malfaisants(3)…


(1) « Rien ne sert de courir; il faut partir à point : Le lièvre et la tortue en sont un témoignage. «Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point Sitôt que moi ce but. – Sitôt ? Êtes-vous sage ? Repartit l’animal léger : Ma commère, il vous faut purger avec quatre grains d’ellébore. » (Le lièvre et la tortue, Jean de la Fontaine)

(2)  » Elle a besoin de six grains d’ellébore, Monsieur son esprit est tourné  » (Molière- Amphitryon).

(3) Plantes et magie en Provence du XVIème au XIXème siècle. Ville de Marseille.

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