Botanique en pays d’Ifoghas – Daniel Larribe

Botanique en pays d’Ifoghas – Daniel Larribe

En cette période de confinement, Daniel Larribe, ancien otage d’AQMI, a accepté d’écrire ce texte pour témoigner de sa relation aux plantes pendant ses trois années de captivité dans le désert. J’avais été touchée par ses premières paroles, à sa libération en 2013, lorsqu’il avait exprimé une certaine reconnaissance envers la botanique. L’observation quotidienne des plantes qui l’entouraient lui avait permis, disait-il, de se construire une « bulle » protectrice. Voici ce qu’il nous en dit :

« Dans ma jeunesse je ne me suis pas vraiment intéressé à la botanique, comme si la géologie avait saturé mes capacités d’apprentissage dans le domaine des sciences naturelles. Après avoir peiné sur les listes de caractéristiques descriptives de minéraux et de roches, sur celle des étages géologiques, m’être confronté aux représentations stéréographiques des modèles cristallographiques, il m’était inconcevable de me lancer dans l’étude des plantes. Un jour, j’avais pourtant essayé d’aborder l’examen d’une flore, mais j’en fus vite découragé. Il faut dire que la science, une quarantaine d’années auparavant, était abordée de manière particulièrement aride, réservée souvent à une élite défendant son pré carré, affaire de spécialistes aux discours parfois ésotériques, de quoi rebuter pas mal de débutants !

Mon métier de géologue m’amenant à travailler dans des milieux très divers – forêts tropicales, brousses sahéliennes, zones désertiques – l’envie de m’intéresser aux plantes revenait pourtant en boucle.  A l’âge de 55 ans, profitant d’une affectation à Arlit, dans le Nord du Niger, je décidai de m’intéresser à autre chose que mon métier de directeur de mine d’uranium. J’avais de longs week-ends à combler et les passais souvent avec Françoise mon épouse ou des amis dans le désert. Tout commença par la lecture d’un livre d’Henry Lhote, datant des années 70, sur les gravures rupestres du massif de l’Aïr, dont les relevés avaient été faits à la main, avec des calques posés directement sur les parois, ce qui prenait énormément de temps. Nanti d’un bon appareil photo numérique et d’un GPS, je me lançais tout d’abord dans un inventaire exhaustif des gravures d’une partie des montagnes de l’Aïr. Ce fut paradoxalement l’art pariétal qui m’orienta plus tard vers la botanique. En effet, je faisais vite le constat que les plantes, pourtant omniprésentes dans le désert, n’étaient que rarement représentées, à la différence des animaux domestiques et de la faune sauvage. Je me posais souvent la question : oubli volontaire ou involontaire ?

A chaque excursion, je côtoyais, sans trop les voir, une variété de plantes inconnues à toutes les étapes de leur développement. Leur capacité d’adaptation à la rigueur du climat me surprenait de jour en jour. La lecture d’un deuxième livre, la « flore du Sahara » de Paul Ozenda, éveilla mon intérêt. Après une très bonne introduction sur le milieu, le livre décrivait quelques 400 espèces de plantes des milieux désertiques, rendant les déterminations relativement faciles eu égard aux peu d’espèces répertoriées. Il faut avouer qu’en France on était un peu perdu devant les milliers d’espèces référencées, à en donner le tournis. Profitant d’un retour de congés, je me procurai un livre – « La Botanique redécouverte » d’Aline Raynal-Roques – qui me fit découvrir cette science sous un aspect nouveau, moins rébarbatif. Nanti de mes premières bases, je doublais désormais mes relevés archéologiques d’observations botaniques et de milliers de photos de plantes.

Je fus muté par la suite en Namibie, pays doté d’une flore exceptionnelle. J’y poursuivis ma collection de photos pendant près de deux ans. J’étais à quelques années de ma retraite et pensais pouvoir exploiter bientôt mon corpus de 48 000 photos. Je découvris dans ce pays une approche plus pragmatique de la botanique, des livres illustrés de nombreuses photos et dotés de clés de détermination pratiques. Je réalisais aussi l’importance que présentait la photographie pour camper en quelques clics le milieu de vie, les associations avec d’autres espèces, les différents stades d’évolution de la plante, les modes de pollinisation des fleurs et de dissémination des graines. La photographie est une manière de collecter une foule d’informations, non résumée à la cueillette de quelques individus pour les grands herbiers institutionnels qui ne me semblent pas représenter la richesse et la variabilité des caractères d’une espèce déterminée.

Et puis ce fut le retour au Niger, et là, tout a basculé. Enlevés par AQMI avec mon épouse Françoise et cinq de mes collègues, nous avons été plongés dans une douloureuse période de captivité. Durant ce temps hors du temps, après la libération de Françoise, il a fallu que je me construise un nouvel univers dans lequel la botanique a pris beaucoup d’importance, m’émerveillant des capacités de résilience des plantes du désert.

Dès que je peux obtenir un cahier et un stylo, je me mis à décrire les plantes de mon environnement. Sans flore, il m’était impossible de donner un nom aux espèces que je ne connaissais pas. Sans le savoir, je me mets à recourir à une nomenclature de type polynomiale, dénommant chaque plante par quatre caractères portant sur la tige, la feuille, la fleur et le fruit. Pour l’Acacia ehrenbergiana cela donnait : rameaux bruns rouge – feuille bi-paripennée – capitule sphérique jaune – gousse étroite toruleuse. Ou en abrégé : brun rouge – bi-paripennée – sphérique jaune – étroite toruleuse. Tous les jours je m’astreins à décrire une plante de pied en cap, commençant par les racines, puis la tige, les feuilles, les fruits et les graines. Si un terme descriptif me manque, je l’invente et en fais une définition précise. Cet exercice très prenant m’isole du monde enfermant de ma captivité pour une bonne heure. Je consigne ainsi une multitude de notes sur mon petit cahier de brouillon, d’une écriture serrée pour économiser le papier, ignorant si je pourrais en obtenir un second. Lors de mon évasion avec Thierry Doll, j’ai tenu à l’emporter, c’était une partie de ma vie là-bas. Il m’est confisqué quand nous sommes rattrapés. Six mois plus tard je réussis à me procurer un nouveau stylo, mais pas de cahier. Je reprends toutes mes descriptions depuis le début, plante par plante, mais cette fois sur le dos cartonné de boîtes de lait en poudre. Au moment de l’opération Serval ce volumineux fichier est pulvérisé par un hélicoptère Tigre de l’armée française. Il était resté dans notre véhicule, avec une partie de nos bagages, afin de pouvoir déguerpir le plus vite possible en cas d’attaque.

Après les descriptions botaniques j’observe les associations et les exclusions végétales. Ainsi, par exemple, je remarque que Balanites Aegyptiaca et Maerua crassifolia, deux espèces d’arbustes typiques de la zone saharienne, n’occupent pas les mêmes aires de répartition. Même si on les retrouve parfois sur le même espace, elles ne se mélangent pas pour autant, formant des îlots contigus. Je découvre aussi, sans en connaître l’existence, le phénomène des réitérats traumatiques, le jour où mon attention est attirée par un groupe de Maerua crassifolia fauchés par une violente tornade. Sur les troncs à terre de petites pousses verticales se sont développés, distinctes des vieilles branches par leur inclinaison par rapport au tronc et leur structure. 

J’étudie également l’adaptation des plantes au milieu hyper aride du Sahara. Je répertorie les caractères qui leur permettent de résister à l’aridité des lieux, limitant leur transpiration ou les protégeant de la chaleur : racines gainées d’une pellicule sableuse agglutinée de certaines graminées (Stipagrostis pungens), écorce liégeuse (Calotropis procera), feuilles minuscules et coriaces (Maerua crassifolia), feuilles charnues (Balanites aegyptiaca), feuilles remplacées par des rameaux verts (Leptadenia pyrotechnica), feuilles et tiges duveteuses (Aerva javanica) …

Je m’intéresse aussi à la stratégie des plantes éphémères qui, à partir de la première pluie, déroulent leur cycle de vie sur quatre à six semaines seulement. Je suis subjugué par le développement rapide de ces herbacées qui luttent pour la conservation de leur espèce, leurs graines pouvant rester enfouies dans le sol plusieurs années avant de germer à la faveur d’une pluie inattendue.  Il y a aussi les annuelles dont Boerhavia repens fait partie. Cette plante étale à même le sol ses tiges rampantes rayonnantes avec des feuilles opposées de forme triangulaire et de minuscules feuilles rose pâle à leur aisselle. J’aime observer leur croissance rapide, d’environ un inter-nœud tous les trois ou quatre jours. Au moment des heures les plus chaudes de la journée les feuilles opposées, montées sur de courts pétioles, se redressent jusqu’à venir se plaquer l’une contre l’autre, pour éviter les pertes par transpiration, n’exposant dès lors que la partie inférieure argentée de leur limbe. Au terme de leur cycle végétatif, juste après la saison des pluies, au moment où les températures remontent, la plante redresse l’extrémité de ses tiges pour protéger les fruits encore immatures de la brûlure du sol incandescent.

Parmi les autres plantes annuelles sur lesquelles je pose mon dévolu, figure Citrullus colocynthis, une variété de coloquinte particulièrement foisonnante. Je me souviens spécialement d’un jour où deux jeunes djihadistes vinrent s’enquérir de ce que je faisais, alors que j’étais en train de mesurer la vitesse de croissance de leurs tiges et de faire le décompte des fleurs mâles et femelles. Ils étaient étonnés de me voir retourner les fleurs. Que pouvaient-elles donc bien cacher en-dessous ? Je leur fis alors un petit cours de sexualité des plantes !… Je leur montrai la différence entre une fleur papa et une fleur maman avec son ovaire infère. Les fleurs maman affichaient, cachées sous leurs pièces florales, un ventre de plus en plus gros au fur et à mesure que l’on se rapprochait de la racine de la plante. Les fleurs papa, de leur côté, ne présentaient pas cette bosse, allant même jusqu’à retourner une de chaque pour appuyer mon affirmation. Je leur montrai le pollen jaune des fleurs mâles et leur expliquai que les insectes amenaient la poudre du papa sur les fleurs maman. Là, les petites graines descendaient jusque dans le ventre de la maman et le bébé se mettait en route pour donner un fruit. Ils me regardèrent à la fois intéressés et amusés, mais aussi un petit peu intrigué. Ils repartirent contents d’avoir appris quelque chose, ou peut-être de pouvoir raconter quelque chose de rigolo à leurs copains sur mes agissements.

 Il y eut aussi ce jour où un de nos chefs, le chibani Abou Youssef, intrigué de me voir regarder sous toutes les coutures une coloquinte encore verte et de prendre des notes, vint me demander, d’une moue et d’un signe évocateur de la main, ce que j’étais en train de faire, tout en émettant un « ci quoi cà ? ». C’était d’autant plus difficile à expliquer qu’il ne comprenait pas très bien le français. Je croquai alors le fruit amer, recrachai immédiatement le morceau d’un air dégouté, puis consignai la chose sur mon cahier. Sourire moqueur en coin, le chef rassuré me laissa à mes observations. 

 Je me passionne aussi pour une graminée pérenne très courante, le Panicum turgidum. Dès le mois d’avril, avec l’arrivée des fortes chaleurs, elle perd ses feuilles. Les tiges, de leur côté, commencent à jaunir. Dès la première pluie, se développent à partir des nœuds, des fascicules aux feuilles de plus en plus nombreuses au fil des ans. Dans le même temps, la tige s’allonge, ploie de plus en plus sous le poids des limbes, et, de ce fait, certains nœuds se retrouvent en contact avec le sol, déployant alors un réseau de racines qui vient ancrer la tige dans la terre et opérer ainsi une migration latérale de la touffe.

Le mode de dissémination des graines, par l’ingéniosité des moyens mis en œuvre, accapare souvent mon attention. Je ne citerai que trois des cas qui ont attiré le plus ma curiosité. Les Citrullus colocynthis, par exemple, qui produisent des fruits très amers de la taille d’une grosse orange, ne sont mangés que par quelques animaux, principalement des ânes. Avec l’aridité du milieu, les tiges se dessèchent rapidement puis libèrent les fruits qui se déshydratent à leur tour, permettant au vent d’harmattan de les rouler au loin. Ne cheminant que le long des points bas, ils sont sûr de se trouver sur des lieux qui concentrent l’eau en saison des pluies. Mais avant cette période, pendant de longs mois de sècheresse, et durant leur longue pérégrination, la paroi des fruits s’effrite progressivement jusqu’à se percer et libérer les graines. Les coloquintes restent parfois prisonnières des cuvettes dunaires où elles ont vu le jour et y tournent indéfiniment. Les rongeurs peuvent aussi se mettre de la partie, en s’attaquant aux enveloppes pour accéder aux graines, favorisant ainsi leur dispersion, avec l’aide du vent, sur de grandes surfaces.

Il y a aussi les Schouwia thebaica, grande herbacée annuelle, très prisée des chameaux qui n’ont pas besoin d’eau quand ils en mangent à satiété. Les fruits, sont des silicules ailées disposées régulièrement aux extrémités des tiges. En séchant, la plante redresse ses tiges vers le haut, replie leurs extrémités vers l’intérieur et prend la forme d’une toupie renversée. Après s’être cassée au niveau d’un collet subitement rétréci, la boule de buisson sec est emportée par le vent. Lors du transport, les fruits secs se détachent, se cassent, libérant au fur et à mesure leurs graines.

En saison sèche, les fruits des Calotropis procera, de leur côté, délivrent des graines aplaties suspendues à une touffe de soies blanches qui sont emportées par le vent d’harmattan. Est-ce une stratégie de dissémination visant à diriger les graines, à cette époque de l’année, vers des zones plus au sud, susceptibles d’être ultérieurement plus arrosées ?

Dans un autre domaine, j’avais vu ce même arbre abriter sous ses feuilles de magnifiques crickets. Un jour j’en dénombrai près d’une centaine répartie sur une vingtaine d’individus. Je m’apprêtai pour la première fois de ma vie à les ramasser pour les faire griller, lorsqu’une petite sonnette d’alarme vint me rappeler à l’ordre. Je venais de me souvenir de cas d’intoxication de personnes qui avaient récolté puis mangé des sauterelles tombées à terre après des traitements antiacridiens. Ce n’était certainement pas le cas ici, les crickets semblaient bien portants, mais je les avais vu grignoter les feuilles de Calotropis procera, avec un latex aux propriétés cardio-toxiques. Je laissai rapidement tomber mon initiative culinaire.

A propos de ce même arbre, au mois d’avril 2011, au moment le plus chaud de l’année avec des températures dépassant les 45°, nous fûmes confrontés à une situation bien étrange. Nous étions cachés au fond d’une dépression dunaire où pullulaient une quantité phénoménale de scarabées ténébrions. Ils n’avaient que des débris de feuilles ou de fleurs sèches de Calotropis procera à se mettre sous « la dent ». Je ne sus si c’était la faim ou bien le régime alimentaire à base de cette plante, peut-être les deux à la fois, mais ces insectes particulièrement excités, s’accouplaient avec frénésie et se dévoraient mutuellement. La nuit, à la lumière de pleine lune, ils s’attaquaient à nous, s’insinuant sous nos couvertures pour venir nous mordre. Pour nous en débarrasser nous fumes contraints tous les soirs d’en tuer une vingtaine à deux trois mètres de nos couches. En s’entredévorant, ils nous laissaient tranquillement dormir. 

Je découvre aussi que les fruits de cet arbre emblématique de la zone saharienne est le lieu de ponte d’une mouche brune dont la femelle était dotée d’un ovipositeur qui prolonge son abdomen. Les œufs donnent naissance à de petits asticots qui dévorent les gros follicules verts de l’intérieur. De retour en France j’ai pu en déterminer le nom, en allant sur la galerie de photos liée à une recherche bien précise : « mouche parasite Calotropis procera ». Un bel outil qu’internet ! Il s’agit de Dacus persicus, une espèce voisine de Dacus oleae, la mouche de l’olivier. 

Quand on s’intéresse aux plantes il est difficile de ne pas s’intéresser aussi à sa pharmacopée. Mon attention se porte plus particulièrement sur deux arbustes du désert, Maerua crassifolia et Salvadora persica.

Thierry Doll notre compagnon d’infortune souffrait d’un petit problème d’arythmie cardiaque, probablement accentué par le stress de notre détention. N’ayant plus accès au médicament qu’il avait l’habitude de prendre, Françoise lui proposa de faire des tisanes à base de feuilles de Maerua crassifolia, se souvenant qu’une amie touarègue lui avait affirmé qu’elles permettaient de fluidifier le sang et de soigner les règles douloureuses. Thierry se mit à en faire une infusion tous les soirs et s’en trouva réconforté. Effet placébo ou pas, dans le contexte particulier de notre détention, le maintien du moral l’emportait sur toute autre considération. Bien après le départ de Françoise, Thierry vint un soir se plaignant de vertiges après avoir bu sa mixture. Lui demandant combien il mettait de feuilles dans son infusion, je m’aperçus qu’il devait frôler l’overdose : il en mettait une bonne quarantaine. Françoise, par précaution, lui en avait conseillé quelques-unes tout au plus ! Eh oui, sans notice, on ne dispose pas de la posologie exacte et de la liste des effets secondaires ! Je découvris aussi les propriétés particulières des gousses de cet arbre un jour que nous étions réfugiés dans une grotte pour nous protéger des bombardements de l’aviation française. Notre véhicule ayant été pulvérisé deux jours avant, nous avions dû marcher en pleine nuit sur des dizaines de kilomètres, obligés de charrier de lourdes charges. Privés d’activité physique depuis plus de deux ans et demi, nos genoux avaient été rudement mis à l’épreuve. N’ayant pas de pommade sous la main, j’avais cueilli quelques fruits de Maerua crassifolia pour composer une pâte afin de masser mes genoux en compote. Au bout de 4 à 5 minutes de friction, je fus surpris de constater que la douleur s’était subitement évanouie. Effet placébo ? J’en proposais à Thierry Doll, mon compagnon, qui confirma l’efficacité du produit. L’effet placébo serait-il transmissible ? !…

Il y eut aussi la découverte des propriétés peut-être anti-inflammatoires et antalgiques des feuilles de Salvadora persica dont je me mis à exploiter les effets bénéfiques tout au long de ma captivité.  La découverte en fut tout à fait fortuite. A force de me curer les dents avec des épines d’acacias j’avais développé une petite inflammation des gencives.  Un jour que je me promenais avec une petite douleur dentaire, je me mis à mâchouiller une feuille de Salvadora persica. Peu de temps après, mon mal avait complètement disparu. Je rapprochai ce phénomène du fait que les musulmans utilisaient souvent la racine de cet arbre pour se brosser les dents. Avaient-ils sans le savoir découverts les vertus de cette plante ? Une étude saoudienne aurait attribué ses effets bénéfiques à la présence de fluor dans la plante. Je me mis un peu plus tard à soigner mes rhumes qui se transformaient souvent en trachéites. J’utilisais une solution à base de gros sel et de feuilles de cet arbre, que je faisais au préalable bouillir. Je l’aspirais par le nez et la rejetais aussitôt par la bouche, comme les musulmans lors de leurs ablutions. Un jour je proposai le remède à un jeune qui toussait énormément la nuit. Méfiant au début, il accepta finalement de le prendre, rassuré par le mode d’administration qui se calquait sur celui des ablutions. La nuit suivante, il toussait déjà beaucoup moins et la deuxième plus du tout !

Lors de l’opération Serval, en avril 2013, nos muqueuses nasales furent mises à rude épreuve par la poussière et la température qui atteignait les 45 à 50°. Je me mis à tester avec succès cette solution dans le but d’arrêter mes saignements de nez. J’en fis même cadeau d’une bouteille à un de nos chefs, beaucoup plus sujet à ces petites hémorragies que moi, et qui avec son équipe, nous avait sauvé des redoutables assauts de l’armée française, en nous exfiltrant la nuit à travers leurs lignes. 

Epilogue

A mon retour le 31 octobre 2013, je fais allusion dans certains médias, à la bulle protectrice que je m’étais constitué pour résister à la captivité, ajoutant que la « botanique m’avait rendu la vie moins rude ». Je reçus peu de temps après une émouvante lettre de Véronique Mure accompagnée de son magnifique livre « Conversations sur l’herbe » avec une dédicace : « A Daniel Larribe. En hommage à sa relation aux plantes qui m’a touchée ».

A la même époque je reçois une autre lettre, celle de l’épouse de Nicolas Bouvier écrivain, photographe et voyageur suisse, auteur de « l’usage du monde ». A la descente de l’avion qui me ramenait de Niamey, j’avais l’ouvrage en main, ce qui ne manqua pas d’intriguer les journalistes qui demandèrent à Françoise quel pouvait bien être ce livre. Françoise leur répondit toute en provocation : « l’usage du monde » et, devant leur perplexité, avait rajouté : « Enfin ! Nicolas Bouvier, ça ne vous dit rien ? ». L’information, reprise par la presse, filtra même jusqu’en Suisse.  

Je n’aurais jamais pensé qu’un jour la botanique me mènerait dans des travers aussi improbables que surprenant ! »

Daniel Larribe – Avril 2020

Salvadora persica © Daniel Larribe
Salvadora persica © Daniel Larribe
Schouwia thebaiica © Daniel Larribe
Schouwia thebaiica – plante sèche emportée par le vent (dissémination des graines) © Daniel Larribe
Cyperus conglomeratus – racines gainées de sable agglutiné © Daniel Larribe
Maerua crassifolia © Daniel Larribe
Maerua crassifolia © Daniel Larribe
Citrullus colocynthis © Daniel Larribe
Citrullus colocynthis © Daniel Larribe
Aerva javanica © Daniel Larribe
Calotropis sp © Daniel Larribe
Calotropis sp © Daniel Larribe
Calotropis sp © Daniel Larribe
Boehravia repens © Daniel Larribe
Françoise et Daniel Larribe

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