Mettre à jour l’invisible

Mettre à jour l’invisible

J’ai rencontré Thérèse Rautureau en 2018 grace à Gilles Clément alors en résidence sur l’île d’Aix. A cette occasion il a rencontré Thérèse Rautureau, retraitée de l’enseignement en art plastique et habitante de l’île. Il a non seulement entendu toutes les questions sur le génie naturel des plantes posées à chacun des dessins de Thérèse mais il a également été enthousiasmé par la présence systématique des racines, si rare dans les illustrations botaniques. Gilles Clément connait mon intérêt pour les systèmes racinaires et mon obstination à les faire dessiner par les étudiants de l’école du paysage. Il nous mis toutes les deux en relation. Depuis nous ne cessons de discuter de plantes… Et je ne me lasse pas des dessins de Thérèse où cette présence essentielle des racines, révèle des évidences trop souvent oubliées et pourtant vitales pour les plantes. Je vous livre ici un petit texte rédigé à l’occasion de l’exposition de Gilles Clément et Patrick Beaulieu, été 2019, « Iles jardins, îles paradis ». Merci à l’Actualité Nouvelle-Aquitaine et à Thérèse Rautureau de m’avoir autorisé à publier cela.

« L’île d’Aix, une île jardin, sur laquelle les biotopes littoraux, plages, biorécifs, mathes, prairies, friches armées, façonnent les paysages. Des paysages singuliers, comme jardinés par une main invisible. 

Poussent là les plantes les mieux adaptées aux sols et au climat insulaires. Résister à la sécheresse et à la chaleur estivales, s’accommoder des vents et des embruns, des substrats salés ou des rochers, fixer le sable sans être enseveli, sont autant de stratégies que les végétaux doivent mettre en œuvre pour s’accommoder de cet environnement. 

Matricaire maritime, Panicauts, Pavot cornu, Soude brulée, Euphorbe des dunes, carex, Soude ligneuse, Cryste marine, obione, aster, statice, fenouil, aubépines, déploient tous des formes d’adaptation qui leur permettent de vivre là, à leur aise. 

En découvrant leurs feuilles coriaces, quelquefois très découpées, voire épineuses, en découvrant leur système racinaire puissant, profond ou étalé, on comprend qu’il s’agit là de l’expression du génie naturel cher à Gilles Clément.

La reproduction fidèle de ces particularités dans les dessins de Thérèse Rautureau force notre admiration. Le détail des racines surtout. Au delà de la retranscription détaillée de l’appareil végétatif, tiges et feuilles, et de l’appareil reproducteur, fleurs et fruits, son pinceau met aussi en lumière un univers souterrain qui échappe habituellement à notre regard, presque toujours dans l’obscurité, invisible : une rhizosphère encore en grande partie méconnue dont on sait cependant l’importance pour la vie de chaque plante.

A travers ces dessins, nous percevons des gestes précis, une observation minutieuse et patiente, du temps, un attachement, mais également des questions posées.  Pourquoi ces feuilles ? Pourquoi ces racines ? Pourquoi ces épines ?

Là où autrefois le dessin botanique était purement descriptif dans un objectif de classification, ici les dessins pointent du doigt la variété des stratégies mises en œuvre par le règne végétal en les confrontant planche par planche, voire toutes ensembles dans la même oeuvre. Ils nous ouvrent les yeux sur ces êtres que nous côtoyons quotidiennement souvent sans les voir vraiment. Ils captent la vie. »

Véronique Mure – Printemps 2019

Euphorbia paralias ©Thérèse Rautureau
Hélicrysum sp. ©Thérèse Rautureau
Eryngium campestris ©Thérèse Rautureau
Salsola sp ©Thérèse Rautureau

Texte tiré d’un article de la revue « L’actualité Nouvelle-Aquitaine » N°124 parue au printemps 2019 à commander ici

Lire les entretiens des deux artistes réalisés par Dominique Truco,  publiés dans  Les carnets du paysages n°35 de Mai 2019  intitulé îles en projet.  (Actes Sud /Ecole nationale supérieure de paysage ).

Retrouver également un article sur le travail de Thérèse Rautureau « Révéler le vivant » paru dans la revue Garden Lab #9 être botaniste mars 2020 à commander ici

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