Ici le paysage parle avec sagesse

Ici le paysage parle avec sagesse

« Ici le paysage parle avec sagesse. Les fantaisies des hommes, allumées par la foi comme au cloitre flamboyant de Cadouin ou les besoins de défense et de colonisation, comme les bastides de Monpazier ou de Beaumont, ne sont, après tout, qu’un supplément d’âme ajouté au paysage, un sourire d’une nature bienveillante, changeante et d’un perpétuel enchantement [1] »

Plantée au sommet d’un coteau vallonné, la Bigotie, ancienne tour de guet du XIIIème siècle, se dresse  au cœur de cinq hectares de terres et de prés. Telle une tour féodale sur sa motte, elle domine les paysages qui l’entourent.

Visible depuis tout le flanc ouest de Monpazier, « ville nouvelle » fondée en 1284 par Edouard Ier,  roi d’Angleterre à la frontière de ses terres de Guyenne, la Bigotie arbore fièrement sa parentèle avec la bastide.

Une fois sur la propriété, le décor s’inverse. Au delà d’un large vallon, c’est Monpazier qui s’offre à la vue. Vue panoramique, imprenable, unique… S’expriment à travers ces paysages le charme de la campagne périgourdine et la beauté d’un village médiéval encore préservé.  Même si aux premières heures du jour l’architecture de la bastide peine à émerger de la brume matinale, le brouillard finit toujours par rendre le paysage qu’il a volé[2] et, en fin d’après midi, on peut contempler à loisir le soleil rasant jouer avec la pierre blonde des maisons alignées.

Cette confrontation entre Monpazier, bastide « a novo », surgit de terre au milieu de rien, et la Bigotie, qui la guette, est certainement l’un des moments les plus forts de la découverte du site. Le visiteur est alors le témoin d’un face à face qui dure depuis huit siècles…

On imagine facilement qu’au XIIIème siècle, le choix de ce site pour ériger une tour de guet se fit avec une intention tactique, dans une stratégie de défense, très éloignée d’une intention paysagère, terme alors inconnu. Pour que naisse en Occident la notion de paysage, il a fallu d’abord le « point de vue » des stratèges militaires. Dans chaque région, nous explique Yves Lacoste[3], il y a une grande coïncidence entre les positions fort avantageuses sur le plan tactique et les points de vue d’où l’on peut voir de beaux paysages. A la Bigotie le « point de vue » est avant tout « piton d’observation », lieu de rapport de force entre le Seigneur de Biron et sa ville nouvelle, Monpazier, mont paciarus, le « mont de la paix »

Cependant au delà d’un regard purement stratégique se perçoit d’ici une autre vision du monde qui, au XIIIème siècle, s’impose à tous les domaines de l’esprit humain. Le monde clos de l’époque romane cède alors la place à l’ouverture. Les objets observés à la loupe, mais aussi avec du recul, s’ouvrent à la fois vers l’intérieur et vers l’extérieur et l’urbanisme des bastides, qui apprend à bâtir du complexe à partir d’éléments simples, n’est pas étranger à cette révolution des esprits[4].


[1]     Gilles Pudlowski, l’amour du pays. Ed. Flammarion, 1986.

[2]  Sylvain Tesson, Aphorisme sous la lune et autres pensées sauvages. Ed. Des équateurs, 2008

[3]    Yves lacoste op cit

[4]   J.Chevalier, Histoire de la pensée. Ed. Universitaires, 1992

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