Il était une fois la garrigue… par Jacques Maigne.

Il était une fois la garrigue… par Jacques Maigne.

Ce texte est extrait de l’ouvrage « De garrigues en Costières – Paysages de Nîmes Métropole », Textes de Jacques Maigne, Photos de Gilles Martin-Raget, Actes Sud, 2005. Il est publié ici en hommage à mon ami Jacques dont j’aimais tant la plume, le verbe et la chaleur humaine.

« Voilà l’un des sanctuaires naturels de notre territoire. Une de ses signatures singulières. La garrigue n’est pas seulement l’un des grands écosystèmes méditerranéens qui court dans tout le Languedoc sur une large bande de l’arrière-pays et qui impose la force brute, âpre, parfumée, d’une végétation inextricable et souvent hostile. Elle n’est pas non plus simple réserve d’une faune originale d’oiseaux, lézards, couleuvres, scorpions, papillons et autres araignées endémiques. La garrigue est d’abord un trompe-l’œil, une fausse jungle qui a retrouvé son état sauvage, parfois inhospitalier, il y a un demi-siècle à peine, avec l’exode rural. Jusque là, la garrigue était étroitement liée au sort des hommes qui y défrichaient des terres à vigne ou oliviers, y élevaient chèvres et moutons, ou en exploitaient les ressources cachées, telles les racines de garance pour leur teinture rouge éponyme ou le cade, cousin du genévrier, dont l’huile, extraite du bois, est encore utilisée de nos jours en cosmétique ou dermatologie. Dès l’an 1000, les bergers et agriculteurs élevèrent clapas et capitelles de pierre sèche, des murs ou abris ingénieux, souvent très élaborés, qui témoignent à eux-seuls d’un patrimoine populaire très créatif. Oui, la garrigue a ses secrets, ses trésors cachés, des charmes aussi entêtants que les parfums violents des chèvrefeuilles, genêts, thyms ou romarins qui s’y épanouissent en liberté. Mais la garrigue, qui borde la Vaunage, enveloppe tout le nord de Nîmes, puis court en liberté vers Poulx, Cabrières et Lédenon le long des gorges du Gardon, impose aussi une authentique culture, d’essence strictement méditerranéenne. Le mazet, paradis des humbles, en résume à lui-seul l’harmonie subtile. La poésie.

Dans ces paysages arides où affleure la pierre, aux antipodes des terres fertiles de la Gardonnenque ou de la Vaunage, l’homme s’est imposé au corps à corps, et a dû s’adapter, se soumettre, à la rudesse des lieux. A l’image de l’omniprésent chêne kermès. Cet arbuste rabougri, dont les racines plongent à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, résiste ainsi à tous les aléas climatiques et se moque des incendies. Pour entrevoir quelques éclats de ce dialogue ancestral entre l’homme et un milieu naturel soi-disant hostile, la minuscule D 427 qui relie Poulx, Cabrières et Lédenon, est chemin magique. D’un coup, entre ces villages préservés et silencieux, le temps s’est suspendu. On est à deux pas de l’autoroute, de la ville, des lotissements, des zones de commerce. On est au bout du monde, ailleurs, au fil de combes minuscules arrachées au calcaire gris clair. Sous le feu du soleil, la roche blanchit, et des paillettes d’or scintillent au hasard des verts changeants de la végétation. D’un vallon à l’autre, de petits arpents de vigne, d’oliviers, d’abricotiers se sont incrustés en douce, en beauté, comme clairières originelles, clairières de vie. A l’ombre de pins parasols, une minuscule maison claire s’est lovée en bordure d’une vigne. Cabanon de poupée. Royaume de poche. Mazet de conte de fée. Il était une fois, tout près de Nîmes, une petite maison au pays parfumé du chèvrefeuille, du genêt, du thym, du romarins et de la pierre sèche…

Jacques Maigne, 2005.

© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005
© Gilles Martin Raget in « De garrigues en Costières – paysages de Nîmes Métropole », Actes Sud, 2005

Vous aimerez aussi

Il n'y a pas de commentaires