Se promener dans le jardin des Méditerranées*…
Laisser aller son regard du lointain au proche, voire au tout proche, du grand au petit, voire au tout petit… Changer de focale, regarder à la jumelle ou à la loupe, et découvrir un monde inconnu. Glisser un œil dans les plis de l’écorce rugueuse d’un vieux black boy, ou celle d’un Chêne liège lui aussi centenaire pour y constater l’épaisseur de la couche protectrice, caresser du regard celle, si douce, d’un arbousier desquamé, plonger dans le cœur des fleurs en se laissant guider par les ornementations des pétales, lever la tête en quête d’un signe de timidité des arbres et venir buter contre les branches mortes du Pin d’Alep, organisant une redoutable échelle à feu, …
Se forger un regard, accumuler des indices, et ainsi découvrir le génie du monde végétal. Comprendre les stratégies mise en œuvre par les plantes pour s’adapter aux éléments : Eau, Feu, Terre, Vent, Espace…
Particulièrement dans ce monde méditerranéen qui les met à si rude épreuve.
Stratégies des pyrophytes, se protégeant du feu ou le favorisant, c’est selon.
Stratégies des xérophytes, vivant souvent à même le rocher, redoublant de ruses pour aller puiser l’eau au plus profond de la terre, la stocker et en limiter les pertes. Epaississant feuilles et branches, ou les réduisant jusqu’à les faire disparaître. Se créant un peu de fraicheur à l’abri de limbes velus, ou à l’ombre des plis d’un appareil végétatif côtelé, dont le volume va et vient au rythme des sécheresses, comme un accordéon. Se protégeant encore grâce à résines et essences aromatiques, qui saturent l’air au plus fort de la chaleur.
Des stratégies qui peuvent aussi prendre des allures agressives mais quand même protectrices contre un règne animal pas toujours bienveillant. Ou des allures mimétiques pour au contraire entrainer les insectes dans un illusoire ballet amoureux. Illusoire pour l’insecte mais bien utile pour la reproduction des ophrys par exemple.
Et tout cela en étant fixé au sol.
Et tout cela en se nourrissant juste de lumière, de gaz carbonique (CO2) et d’eau, avec quelques éléments minéraux…
Un contraste extraordinaire que souligne Francis Hallé**, entre le peu dont les plantes ont besoins et l’énormité de ce qu’ils réalisent.
* Jardins des Méditerranées, conçu par Gilles Clément, Domaine du Rayol -Rayol Canadel.
** Francis Hallé, La vie des arbres, Ed. Bayard, coll. Les petites conférences. 2011
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