La forêt communale de Clos Gaillard (Nîmes, Gard) a mainte fois été parcourue par des incendies au cours des siècles. Le dernier en date, en 1989, a brûlé plus de 80 % de reboisements terminés quelques mois auparavent (100ha sur 110ha ). Cet état de fait a engendré une réflexion globale, entre l’Office national des forêts (ONF) et les élus de la Ville, dont j’étais, afin de réaménager rapidement ce territoire pour profiter du travail du sol récemment effectué et la rendre plus résistante au feu. Il s’est agi alors de revaloriser l’espace et de le requalifier aussi pour que le public puisse le découvrir. Débroussaillage, nettoyage, reconstruction d’enclos et de capitelles, plantations à desseins paysagers et scientifiques… Un conservatoire de fruitiers en sec, réunissant 47 vieilles espèces d’amandiers, de collections de vergers constitués d’oliviers, de figuiers… C’est à cette occasion que l’ONF et le groupement de développement forestier du Gard (GDF) ont initié un sylvetum : une collection d’essences réparties en placettes reproduisant des mini-forêts.
La Ville a attribué au projet expérimental quatre hectares, sur les 180 du Clos Gaillard. L’idée-force était la suivante : installer une forêt résistante au feu, par le choix des essences, et potentiellement productive en bois.
Le dispositif mis en place :
Le pédologue-forestier Pierre Rutten, était persuadé que la condition pour installer une forêt là, était une préparation du sol en profondeur. Celle ci ca était effectuée par sous-solage croisée sur un mètre de profondeur, selon une maille de 4 mètres sur 4, avec des engins qui ont fragmenté la pierre, permettant de retenir l’eau.
Le GDF a ensuite sélectionné des espèces tout à la fois résistantes au froid de l’hiver, à la sécheresse, tolérantes au feu et qui donnent du bois de qualité. Les plants forestiers ont été plantés sur la trame imposée par le travail du sol, à raison de 625 plants par hectares, soit 313 au moins par placette d’un demi hectare. Ainsi la parcelle de 4ha ne pouvait accueillir que sept placettes.
Les 7 espèces retenues furent :
- Sapin de Céphalonie (Abies cephalonica),
- Cyprès d’Arizona (Cupressus arizonica)
- Cyprès toujours vert (Cupressus sempervirens)
- Pin de Salzmann (Pinus nigra subsp. Salzmannii)
- Cèdre du Liban (Cedrus libanii)
- Calocèdre (Calocedrus decurrens)
- Pin à bois lourd (Pinus ponderosa)
Les espaces résiduaires et les bordures ont été consacrés à des espèces exclues à regret, faute de place, du dispositif principal : Sapin de Turquie (Abies equi-trojani), Sapin du Pinde (Abies borisii-regis), Sapin de Numidie (Abies numidica), Sapin de Cilicie (Abies cilicica)…
Les espèces compagnes du chêne pubescent : Sorbier (domestique et torminal), érables de Montpellier et à feuille d’obier, Cerisiers de Sainte-Lucie, Charme houblon, qui constituaient la strate intermédiaire de la forêt primitive, ont été plantés en intercalaire de manière à compenser, par la diversité du sous-bois, la monotonie des peuplements monospécifiques.[1]
Fourniture et provenance des plants
Les plants ont été pour une large part, fournis par la pépinière départementale des Milles (Aix-en-Provence), sous l’égide du CEMAGREF. Le complément a été acheté sur le marché du plan forestier.
En 2020, parmi les 7 essences plantées, une d’elles a retenu notre attention, comme dominant les autres peuplements : le Pin de Salzmann.
Pin de Salzmann
Nom Latin : Pinus Nigra subsp salzmanii
Famille : Pinacées
Description :
Feuillage : aiguilles longues et souples, vertes claires, groupées par deux.
Le pin de Salzmann est un bel arbre au fût droit (ou tortueux dans les conditions difficiles). Appartenant au groupe des pins noirs, il se différencie des « espèces » proches par de subtils caractères morphologiques. Son écorce, épaisse et isolante, le met à l’abri des feux courants. Il est de plus très résistant à la sécheresse.
Aire de répartition & histoire :
Exposition : Ensoleillée
Température mini : – 25°C
Il occupe une aire disjointe qui va de l’Espagne au sud de la Russie. En France, il n’y a plus que 3 secteurs abritant cet essence : dans les Pyrénées, dans l’Hérault (Forêt de Saint-Guilhem-le-Désert) et dans le Gard (forêt de Bessèges), formant un ensemble discontinue d’environ 3.000 hectares. Il est aujourd’hui en forte régression. De ce fait, ses populations constituent un habitat prioritaire de la directive Habitats (D. 92/43 CEE du 21 mai 1992) : «Pinèdes (sub-) méditerranéennes de pins noirs endémiques : Pin de Salzmann».
D’après Vernet[2], le pin de Salzmann a été retrouvé sous forme de charbons de bois dans les sites Paléolithique supérieur du Pont du Gard et d’Espagne entre 30 000 et 14 000 ans avant notre ère.
La forêt de pins de Saint-Guilhem-le-Désert est la plus vaste de ce genre. Elle est connue depuis le IXème siècle. Pourtant, ce n’est qu’en 1810 que le botaniste Philipp Salzmann identifia là cette nouvelle espèce de pin.
Le peuplement qui sert ici de référence est celui de Saint-Guilhem-le-Désert (origine des plants du Sylvetum), dans les conditions desol et de climat peu différentes de celles de Clos-Gaillard.
Il fait actuellement l’objet d’étude de l’INRA pour sa résistance potentielle au réchauffement climatique.
[1]Groupement Gardois pour le développement forestier. Le sylvetum de Clos-Gaillard. Livret-guide. Novembre 1994.
[2]Jean-Louis Vernet, Anaïke Meter, Centre de Bio-archéologie et d’Ecologie, UMR 5059, Université de Montpellier II. Lamri Zéraïa, Office National des Forêts- Région Méditerranée, Montpellier. La forêt de pins noirs de Salzmann Pinus nigra Arnold ssp. salzmanni Dunal de St Guilhem-le-désert (Hérault) Colloque Sylva –INRA-ONF, Nancy 14-16 décembre 2004
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