Terres de Rouvière
6 avril 2018.
Neuf mois après le feu.
C’est le printemps. Les températures radoucissent, les jours s’allongent.
En région méditerranéenne, la végétation se réveille, les bourgeons éclatent, les tiges poussent, les fleurs s’épanouissent, les feuilles apparaissent, légèrement rosées, voire carrément rouges, gorgées d’anthocyane pour protéger leurs tissus encore fragiles du rayonnement solaire.
Dans les garrigues incendiées l’été dernier, un tapis d’herbe verdoyant contraste avec les silhouettes noires des arbres et des arbustes calcinées. On le voit bien, les graminées ont fait un grand profit des dernières pluies. Elles prennent leurs aises sur les sols laissés nus par le feu. Ça et là, des touches de bleu, de jaune, de mauve. Les muscaris, les euphorbes, les orchidées, la fumeterre profitent de ce milieu brusquement ouvert, inondé de lumière, pour fleurir. Bulbes et tubercules souterrains, à l’abri des flammes pendant le passage du feu, n’attendaient que l’arrivée du printemps pour se remettre en « route ». La Fumeterre officinale (Fumaria officinalis), dont les graines abondantes peuvent rester dans le sol de nombreuses années, semble, elle aussi, à son aise sur ces terres incendiées. Cette annuelle, caractéristique des terres cultivées, jardins, vieux murs et jachères récentes, trouve là des conditions favorables à la germination de ses graines. Et si son nom, attesté au début du XIIIe siècle sous la forme fumus terrae, « fumée de la terre » en latin médiéval, n’était pas seulement du à son suc qui fait pleurer les yeux comme la fumée ?
En regardant de plus près tous les arbustes et les lianes carbonisés, j’ai la confirmation de ce que j’étais venue voir. La vie est bien là. Partout de jeunes pousses émergent du sol au pied des ligneux. Les Genêts d’Espagne (Spartium junceum), Lauriers tin (Viburnum tinus), Epines du Christ (Paliurus spina-christi), alaternes (Rhamnus alaternus), aubépines (Crataegus monogyna), chèvrefeuilles (Lonicera sp.), Rosiers des chiens (Rosa canina), Clématite brûlante (Clématis flammula), sans parler des autres lianes de lisière asperges (Asparagus acutifolius), ronces (Rubus sp.) et garances voyageuses (Rubia peregrina), tous montrent des signes d’activité. Tous ont résisté au feu. Ils sont restés en vie grâce à leur appareil souterrain, qu’il soit racinaire ou caulinaire. Tous des pyrophytes.
Seules espèces à rester muette en ce printemps, des conifères, le Pin d’Alep (Pinus halepensis), le cade (Juniperus oxycedrus). Mais je sais bien que ce n’est que partie remise. Les semences du Pin d’Alep attendent-elles l’automne pour se manifester ?
A l’inverse quelle surprise de voir les akènes du Rosier des chiens, d’une belle couleur cuivrée, essayer de s’extirper des cynorrhodons totalement caramélisés.
Autre étonnement, les genêts d’Espagne calcinés, pétrifiés en forme de fuseau, avec toutes les extrémités des branches rassemblées en leur sommet et cela que ce soit un même individu ou plusieurs individus côte à côte, dessinant un paysage inhabituel… je serais curieuse de connaître la raison de ces formes étranges, presque « dansantes ».
Nine months after the fire
Terres de Rouvière
06 April 2018
Nine months after the fire.
It’s spring. The temperatures soften and the days get longer.
In the Mediterranean region the vegetation wakes up, the buds burst, the stems grow, the flowers blossom and the leaves appear, slightly pinkish or even red, stuffed with anthocyanin to protect their fragile tissues from solar radiation.
In the scrubland that burned last summer, a carpet of green grass contrasts with the black silhouettes of charred trees and shrubs. As can be seen, various type of grass have benefited from the recent rain. They have spread out on the ground left bare by the fire. Here and there, there are touches of blue, yellow, mauve. Muscari, euphorbia, orchids, and fumitory have taken advantage of this suddenly open environment, flooded with light, to bloom. Underground bulbs and tubers, sheltered from the flames during the passage of the fire, were waiting for the arrival of spring to « get back on the road ». Common Fumitory (Fumaria officinalis), whose abundant seeds can remain in the soil for many years, also seems to be at ease in these burned lands. This plant, which is often found in cultivated land, gardens, old walls and recent fallows, finds favourable conditions there for the germination of its seeds. And perhaps its name, which at the beginning of the thirteenth century wasfumus terrae,« smoke of the earth » in Medieval Latin, was not only due to its juice which makes the eyes weep like smoke.
Looking more closely at all the charred shrubs and lianas, I have confirmation of what I had come to see. Life is here. Everywhere, young shoots emerge from the soil at the foot of woody plants. Spanish Broom (Spartium junceum), Laurustinus (Viburnum tinus), Thorns of Christ (Paliurus spina-christi), Alaterna (Rhamnus alaternus), Hawthorn (Crataegus monogyna), Honeysuckle (Lonicera sp.),Roses (Rosa canina), BurningClematis(Clematis Flammula), not to mention the other Wild Asparagus (Asparagus acutifolius), Brambles (Rubus sp.)and Wild Madder (Rubia peregrina), all showing signs of activity. They all survived the fire. They remained alive thanks to their underground apparatus (roots or meristems). All of them are pyrophytes.
The only species that remain mute this spring are the Conifers, Aleppo Pines (Pinus halepensis)and Cade Junipers (Juniperus oxycedrus). But I know that this is only temporary. Are the seeds of the Aleppo Pine waiting for autumn to appear?
Conversely, what a surprise to see the achenes of the Dog Rose, of a beautiful coppery colour, trying to extricate themselves from the totally caramelized rose hips.
Another surprising sight are the scorched Spanish brooms, which are petrified in the form of a spindle with all of the ends of their branches gathered at the top whether they are the same individual or several individuals side by side, creating an unusual landscape… I would be curious to know the reason for these strange, « dancing » shapes.
Bonjour Madame,
Président du Comité de quartier « Russan – Terres de Rouvière », avec plus de 300 adhérents, nous exprimons tous, cette volonté d’être des acteurs d’un projet d’aménagement de nos « jardins des Garrigues » incendiés des Terres de Rouvière.
Cette espace de plus de 50 ha, propriété de la Ville de Nîmes, avec son Parc des 5 sources, doit être et rester un espace naturel.
Parcourant vos observations, photos à l’appui, à ce sujet, il me serait agréable de vous rencontrer, comprendre votre passion et votre science sur cette nature méditerranéenne, et de vous exposer nos intentions sur ce projet d’aménagement.
Nous souhaiterions vivement votre présence à nos côtés et de contribuer ainsi à la création de ce magnifique espace, aidés de votre expertise.
Notre bonne volonté et nos bonnes intentions ne peuvent suffirent sans une caution scientifique que nous souhaitons, une façon d’ouvrir la connaissance. Nous avons conscience que ce sujet d’envergure pourrait intéresser aussi nos étudiants. Nous allons travailler dans ce sens.
Avec toute ma sympathie
Yves