L’arbre, l’explorateur et l’écolo.

L’arbre, l’explorateur et l’écolo.

L’arbre, l’explorateur et l’écolo.

Mais pas n’importe quel arbre… L’arbre « remarquable » ou « vénérable », un de ceux dont s’occupe l’association éponyme qui fêtait le week-end dernier son vingtième anniversaire.

Un de ceux dont je découvre la silhouette avec une émotion à chaque fois aussi vive et dont un grand nombre est « exotique ».

Ceux dont Francis Hallé nous dit (et j’y reviens à chaque fois que je parle d’arbres) :

“Silencieux et dignes,

extraordinairement anciens et pourtant pleins d’avenir,

beaux et utiles, autonomes et non violents,

les arbres ne sont-ils pas les modèles dont nous avons besoin ?”

Pas n’importe quel explorateur non plus… Non ! Plutôt un naturaliste-explorateur ou voyageur-naturaliste du XVIe siècle comme le Français Pierre Belon, diplomate au service de François Ier ou du XVIIe comme le britanique John Tradescant le Jeune à qui l’on doit tant de beaux arbres de Virginie, Charles Plumier ou encore Joseph Pitton Tournefort célèbre pour son voyage du Levant. Ou ceux encore plus nombreux du XVIIIe, les Jussieu, Commerson, Bougainville, Poivre, Adanson…

Et puis pas n’importe quel écolo non plus… mais lui j’en parlerai plus tard !

Bien sur la découverte des premiers est souvent liée aux voyages des seconds et ces histoires participent aux liens qui se nouent entre les arbres et nous.

Est-ce vraiment Pierre Belon qui a ramené en France à l’occasion de son voyage au Levant dans les années 1550, les premiers lilas, ou encore les arbres de Judée, ou gainier, Cercis siliquastrum L ?

Arbre de judée 2

Ce dernier semble depuis avoir trouvé dans le Midi une terre de prédilection. De Pouzols, dans sa flore du département du Gard de 1862, le considère même comme naturalisé le long du Gardon. Un individu de belle taille, planté en 1785 coule des jours heureux au jardin des plantes de Paris.

L’histoire du platane, ou plutôt des platanes, est plus compliquée.

Le platane d’occident Platanus occidentalis L qui s’est développé sur le continent américain, fut, semble-t-il, ramené par John Tradescant en Angleterre au milieu du XVIIe en même temps que le Cyprès chauve ou le Tulipier de Virginie.

Par contre il n’est pas possible de donner les dates exactes d’introduction du Platane d’Orient. Il aurait été introduit en Italie par les Romains vers 300-360 avant J-C. de là, il se serait répandu en France (-100 av JC dans le sud de la France, d’après Lieutaghi) Buffon est à l’origine de la plantation en 1785 de celui du Jardin des Plantes de Paris et serait aussi à l’origine des plantations des premiers platanes « hybrides » P. acerifolia venus d’Angleterre.

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Un peu avant, en 1734, le botaniste Jussieu ramenait les deux premiers cèdres de France. Bien qu’ils aient été introduits en Angleterre un siècle plutôt.

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Le peuplier d’Italie Populus nigra var. italica les a suivi de près.

Il fut introduit en France en 1740 ou 45, sous Louis XV (et non Bonaparte comme on peut le lire quelques fois), par un ingénieur en chef de l’armée française, alors en Italie, qui en apporta cinq boutures au directeur du canal d’Orléans. Noël de Règemorte, ingénieur des Ponts et Chaussées, qui conduit la construction des canaux d’Orléans et de Loing a, dit-on, contribué à l’introduction du peuplier d‘Italie en le faisant planter à son arrivée en France sur les bords du canal de Loing.

La passion pour le peuplier d’Italie qui prend les Français dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle est qualifiée par l’Abbé Rozier de « peuplomanie » dans son traité de l’agriculture de la fin de ce siècle. Le peuplier d’Italie devenu un élément essentiel du paysage est alors planté au bord des routes, et dans les jardins réguliers en arbre d’alignement, ou taillé pour former des couverts ou en encore en quinconce. Il envahit le jardin pittoresque où il symbolise le bonheur champêtre, l’Italie de Virgile ; après l’enterrement de Jean-Jacques Rousseau dans l’île des peupliers d’Ermenonville il revêt le rôle d’un arbre mélancolique funéraire. Il est vanté dans tous les traités sur les arbres comme un arbre alliant à la fois l’utile et l’agréable. Cependant assez vite ses défenseurs déchantent. La « peuplomanie » cesse dans les premières décennies du XIXe siècle, après deux à trois décennies de culture frénétique et de nombreuses déconvenues quant à son exploitation sylvicole. Toutefois, la fortune de l’arbre connaît un nouvel épisode : devenu «citoyen», il est l’arbre de la Liberté le plus planté en 1848.

Toujours à la même époque, c’est le désormais célèbre et vénéré Ginkgo biloba, l’arbre aux quarante écus qui fut introduit en France. Un des premiers arrivé fut l’arbre mâle planté en 1788 par Antoine Gouan, à Montpellier au n° 3 de la rue Carré du Roi, envoyé de Londres par Auguste Broussonet (don de Sir Joseph Banks). Il a « fleuri » pour la 1ère fois en 1812. Gouan planta une marcotte issue de cet arbre au Jardin botanique en 1795 ; elle fût ensuite greffée avec une branche femelle (provenant d’un sujet de Bourdigny, en Suisse) en 1832. En 1835, en furent obtenues les premières semences fertiles d’Europe. Le premier arbre de Gouan reçut une greffe femelle en 1837 ; elle donna des semences dès 1843. Et enfin, en 1795, une bouture prise sur le Ginkgo du jardin des plantes de Montpellier est plantée au Jardin des plantes de Paris.

Ces deux arbres sont toujours vivants à ce jour.

Et que dire des séquoias (Séquoia sempervirens et Séquoiadendron gigantea) ces géants venus d’outre Atlantique qui constituent aujourd’hui malgré leur jeune âge les arbres les plus gros et les plus grands de France. Chez les séquoias géants une vingtaine dépasseraient déjà les dix mètres de circonférence alors que la plus part ont été introduit en France dans la seconde moitié du XIXe siècle. Les sujets les plus âgés ont donc au maximum 150 ans. 7000 individus étaient répertoriés en France en avril 2010 par l’association sequoias.eu. Bien sur, me dirait vous, ce n’est rien comparée au plus gros séquoia vivant (en circonférence) le Boole tree en Californie qui a été mesuré à 34m50 à la base…

Et je pourrais ici raconter sur des pages et des pages des histoires d’introduction d’arbres remarquables qui font notre admiration ou d’autres qui nous sont tout simplement devenus familiers tels que le cyprès, l’amandier ou le figuier par exemple.

Autant d’arbres qui vivent aujourd’hui en bonne intelligence avec leurs voisins « autochtones », chênes, ifs, tilleuls… Dont on regrette même cruellement la disparition comme les platanes du canal du midi qui sont aujourd’hui en danger.

Canal du Midi

Canal du Midi

 

Alors venons en maintenant à l’écolo… Un diminutif qui peut sembler familier mais qui traduit juste que je ne sais pas lequel choisir entre l’écologiste ou l’écologue. Pour ne pas parler (ou écrire) en l’air je resterai à son sujet sur un seul exemple précis. Sur les arbres du canal du Midi. Je ne vais pas refaire ici l’étude qui nous a conduit à proposer, en remplacement du platane, une palette de 7 essences dont 5 « exotiques » et peu plantées en France aujourd’hui à expérimenter au cours des prochaines années (cf article qui suit). Je voudrais juste citer un article dans lequel on peut lire « Pourquoi planter une essence exotique sur 40% du linéaire ? Ce n’est pas gênant d’expérimenter de nouvelles espèces le problème c’est de se dire que l’arbre dominant ne sera pas local ! » Les arguments de pollution génétique et d’appauvrissement de la biodiversité viennent bien sur étayer ce discours.

Et je passe sur la conclusion de la journaliste, dont je tairai le nom par charité, qui termine sur une phrase qui ne fait pas honneur à sa profession « Rendez-vous dans dix ans pour voir quelle tronche tirera le canal avec son costume tropical » Et tout d’un coup l’exotisme devient tropical…

Si l’on veut poursuivre sur ces arguments il va falloir être un peu plus précis sur le local. Local jusqu’où ? De Toulouse à Thau est-on déjà dans la même localité ? Local depuis quand ? Les flores locales d’avant les glaciations sont elles encore locales ? Quid donc des changements climatiques passés et surtout avenir ?

Et le fait que ces arbres bien qu’exotiques soient utiles pas uniquement à la faune mais à l’homme aussi, pour diverses raisons voire même que pour leur beauté, n’a-t-il aucune valeur ? Pourquoi n’en faisons nous aucun cas ?

Les arbres exotiques n’ont-ils désormais plus droit de cité sur le territoire français  ?

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