Plaidoyer pour les arbres de nos campagnes

Plaidoyer pour les arbres de nos campagnes

D’abord, il y a les arbres des forêts. Ceux dont Victor Hugo disait :

« Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,

Dans tout ce qui m’entoure et me cache à la fois,

Dans votre solitude où je rentre en moi-même,

Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute et qui m’aime. »

Elles se portent plutôt bien les forêts françaises. Elles représentent environ 28% du territoire et s’étendent en moyenne de 50.000 ha par an (chiffres 2011). Pourtant cette augmentation cache des disparités : les périphéries urbaines perdent de leur surface forestière, tandis que dans les zones plus rurales et montagnardes, elle continue au contraire à s’accroître.

Mais la forêt ne doit pas cacher l’arbre… l’arbre de nos campagnes, celui que l’on appelle « l’arbre hors-forêt » justement. Et ils sont très nombreux, ou devrait-on dire, ils étaient très nombreux… les arbres isolées au milieu des champs, les arbres des haies arborées, ceux de nos ripisylves, les petits bosquets en angle de parcelle, les alignements au bord des routes… Bref une grande diversité de situations spatiales, esthétiques et fonctionnelles, arbres des villes ou arbres des champs.

Si les surfaces forestières progressent, l’arbre de nos campagnes à plutôt tendance à régresser. La faute à qui ? A la PAC comme certains me l’ont laissé entendre ? A la modernisation de l’agriculture certainement, à une certaine idée de la performance, à l’oubli…

Et pourtant autrefois intégré dans le système de production agricole, l’entretien et la gestion des cours d’eau, des voiries, dans l’économie communale et domestique, l’arbre était reconnu comme un élément plurifonctionnel. Une ressource, fournissant du bois d’œuvre, servant de matériaux pour la fabrication d’à peu près tout ce qui était utile aux paysans, de bois de chauffe, mais aussi un élément de régulation de l’eau, de tenu des sols, d’abris pour la faune…

On a oublié l’arbre champêtre, on ne le voit plus, on n’y prend plus garde, à l’exception de quelques sujets devenus « remarquables », quelques arbres « vénérables » labellisés comme il se doit.

Ils ont pourtant eu leur heure de gloire, d’autant plus importante, il est vrai, que la pénurie de bois rendait les plantations d’arbres urgentes. Ainsi, pour des raisons économiques et militaires, Henri II ordonna par lettres patentes, en 1552 «à tous les seigneurs hauts justiciers et tous manants et habitants des villes, villages et paroisses, de planter et de faire planter le long des voiries et des grands chemins publics si bonne et si grande quantité d’ormes que, avec le temps, notre royaume s’en puisse avoir bien et suffisamment peuplé». Plus tard, Sully, le grand Ministre du bon roi, dans une Ordonnance de 1605, avait prescrit de planter un orme dans chaque bourgade, en face de l’église paroissiale. On dit que Sully, en encourageant la plantation de cette essence au bois résistant à l’immersion, eut pour objectif de rénover la flotte française.

André Thouin, dans son cours de culture daté de 1845, recommande à la sollicitude des administrations auxquelles elle est confiée, la partie de l’économie rurale, si négligée en France du choix de la plantation et de la culture des arbres propres à border les chemins, grandes routes et avenues. Les alignements d’arbres, en bord de route et de chemin, mais aussi le long de nos cours d’eau étaient ainsi devenus un élément majeur de nos paysages.

Chênes, frêne, ormes, peupliers, aulnes, saules, charmes peuplent ainsi les paysages des campagnes françaises.

photo Véronique Mure

Les chênes sont les essences les plus présentes en France. Isolés, ils ont souvent un port majestueux qui les rend très présents dans le paysage. Son bois très dur, et sa résistance aux insectes et aux champignons est grâce à sa forte teneur en tanin, en font un matériau très prisé. Les grandes planches radiales de chêne sont utilisées depuis le Moyen-âge pour réaliser des boiseries d’intérieur de bâtiments prestigieux. Le bois de chênes, du chêne pédonculé et du chêne rouvre principalement, était utilisé en Europe pour la construction navale jusqu’au 19 siècle et dans la construction des charpentes en bois des bâtiments en Europe (source étude CTBA, juin 2007).

Le Saule blanc affectionne les terrains régulièrement inondés. On le trouve dans les endroits où la ripisylve est la plus dense, à côté du Peuplier noir. C’est un bon fixateur de berge. Il est souvent traité en têtard pour obtenir de l’osier pour les besoins de la vannerie, ou encore, l’approvisionnement de différents feuillages pour l’affouragement du bétail.

Il n’est pas la seule essence traitée en têtard. Le frêne et le peuplier noir, s’y prêtait aussi et plus rarement l’aulne glutineux, le tilleul et les érables. Cette taille, aujourd’hui perdue, permettait un grand vieillissement des arbres tout en éliminant les contraintes liées à leur vieillissement (déchaussement et éclatement).

La silhouette très caractéristique des têtards constitue une structure typique de notre patrimoine rural.

L’orme champêtre, planté à tout va grâce aux incitations de l’Etat, fournissait un excellent bois d’oeuvre, pratiquement comparable au bois de chêne. Le bois d’orme se vendait à un prix plus haut que le prix du bois de chêne. Mais la graphiose dans la deuxième moitié du XXème siècle, s’est chargée de l’éliminer de nos paysages.

Aujourd’hui, chêne, saule, aulne, et tous nos arbres champêtres restent des valeurs sûres. Ces espèces sont appelées à reprendre du service tandis que l’on cherche à réduire l’entretien du jardin et à limiter les traitements…  en témoigne l’article de Béatrice Pichon dans la Mon Jardin & Ma Maison de novembre 2011.

http://jardin-maison.dekio.fr/jardinage/plante-vedette/15-arbres-mythiques

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Il est 1 commentaire

  1. Catherine D

    Les 10% de friches ont fait beaucoup de mal aux arbres de campagne, j’en connaissais un magnifique près d’ici, mais l’agriculteur a l’obligation de laisser de terrain déclaré en friche totalement nu… alors il l’a coupé, dessouché, et en a fait du bois de chauffe ! merci la règlementation débile … heureusement tout autour ici c’est très boisé, un exemple parmi d’autres !
    Joli article ! je relirai celui de Béatrice Pichon…


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