Le paysagiste, le jardinier et le botaniste.

Le paysagiste, le jardinier et le botaniste.

Le paysagiste, le jardinier et le botaniste.

Ou pourrait-on dire le « paysagiste-jardinier-botaniste » ?

Une « qualité » revendiquée en France depuis assez longtemps par Gilles Clément.

Au delà du titre, il s’agit, pour lui, d’une proposition pour les paysages du futur, s’appuyant sur une meilleure connaissance de la résilience d’un lieu pour tirer parti de sa propre capacité de transformation. Le fameux « faire avec et pas contre » du jardin en mouvement.

C’est ainsi que la botanique se glisse au cœur de la conception des jardins et des paysages, en devient le pivot. Et pas uniquement pour dérouler des listes d’espèces rares, des variétés prisées par les jardiniers-collectionneurs. Non, il s’agit ici de la connaissance des plantes, de leur fonctionnement, leurs besoins, leurs associations…

Si Gilles Clément est en France un précurseur, une voix « forte », il est loin d’être isolé aujourd’hui.

Pour ne parler que de gens dont je suis proche je dirai que la démarche d’Olivier Filippi n’est pas si lointaine, avec son travail sur les plantes pour les jardins sans arrosage, les alternatives au gazon, les prairies fleuries ou encore les plantes opportunistes, il cherche les mille manières d’être au plus près d’une cohérence plante-milieu pour « faire avec et pas contre ».

Louisa Jones, en fine observatrice de l’évolution du monde des jardins et des paysages a récemment analysé cette tendance dans un article du Garden Design Journal, à l’issu de la conférence sur le paysage de Melbourne. Elle parle de créations présentées « toutes enracinées dans des lieux uniques, “générées” par le site, (…) de paysagistes qui mettent en valeur, voire en scène, les données existantes – expositions, géomorphologie, microclimats, variations saisonnières, matériaux et artisanats vernaculaires, etc. – avec un rapport au site et à ses contextes qui dépasse de beaucoup un vague “esprit des lieux”, quelques “vues empruntées”, l’usage de plantes « indigènes » ou des frontières floues. Et ce pour composer un projet unique, non transposable, « local » dans le meilleur des sens (…) Les plantes comptent énormément pour tous ces praticiens, pas seulement par leurs couleurs, textures et volumes, mais parce que le jardin se vit comme… du vivant, en évolution constante. Tous les conférenciers (de la conférence de Melbourne) connaissaient leurs cultivars mais aussi leurs écosystèmes. Pour jouer sur la croissance dans le temps, il faut savoir apprécier non seulement la variété infinie des plantes mais aussi leurs comportements, leur potentiel. (…) La gestion écologique n’est pas rajoutée, mais inextricable du reste, pas un but en soi mais un point de départ ».

La « Dutch wave » parle la même langue. Cette vague néerlandaise qui est en train de recouvrir l’Angleterre, les Etats-Unis et la France, avec le travail d’un de ces plus brillants concepteurs, Piet Oudolf. Un travail basé sur des massifs de vivaces, plantes clés des compositions, mêlées à des graminées en plantes de « fond » pris en tant que « plantation de prairie », dont un des plus beaux exemplaires est certainement celui de Jaap de Vries à Jistrum.

Cette vague, pour autant qu’elle est en pleine expansion, vient de loin… Déjà en 1924 Mien Ruys, la plus célèbre paysagiste des Pays-Bas, s’intéresse aux plantes cultivées par son père dans sa pépinière. Quelles plantes poussent au soleil ? Lesquelles poussent à l’ombre ? Quelles plantes aiment un sol humide ou préfèrent un sol sec ? Et quel type de sol ? Comment combiner tous les besoins ? Comment combiner les plantes également et surtout comment donner forme à un espace ? Et ces préoccupations n’ont pas fait que traverser son œuvre, elles ont croisé le chemin d’autres paysagistes-jardiniers tels que Henk Gerritsen ou Ton ter Linden qui sont devenus les véritables précurseurs de la Dutch Wave à la fin des années 1970. Ces derniers s’appuyant, comme Mien Ruys, sur le travail de producteurs de vivaces. Notamment Ernst Pagel (1913 – 2007) dont le nom est encore sur toutes les lèvres, héritier du célèbre obtenteur allemand Karl Foerster (1874 – 1970). La proximité des pépinières d’Ernst Pagel et de Piet et Anja Oudolf a été le ferment non seulement d’une amitié forte mais de l’explosion de la Dutch Wave dans les années 1990. Piet Oudolf est aujourd’hui considéré comme l’un des leaders des plantations naturalistes. Sa connaissance du monde végétal lui a permis de modifier profondément son travail de conception. Pour lui, chaque plante est un individu, avec des dimensions, des couleurs et des textures propres. Il regroupe les végétaux selon des associations dynamiques pour former une seule plantation tout à la fois cohérente et en évolution. Dans le travail qu’il réalise avec Noël Kingsbury, la plante devient le point de départ du processus.

Au cours de ma récente visite dans les jardins de la Dutch Wave un point commun à tous ces concepteurs m’est apparu comme une évidence. Derrière le travail de ces paysagistes-jardiniers-botanistes on trouve un jardin d’essai. Et j’ai envie de retenir ce point particulier.

Lorsque Gilles Clément nous parle de ses jardins en mouvement, c’est avant tout à la Vallée qu’il fait référence, tout comme Olivier Filippi observe le comportement de ses futures productions dans son jardin d’expérimentation.

Les jardins de Mien Ruys tout près de Zwolle avaient pour elle ce même rôle, élargi à l’architecture, tout comme le jardin d’Henk Gerritsen et Anton Schlepers à Priona et encore le jardin d’essai Piet et Anja Oudolf à Hummelo.

Un jardin, un lieu d’expérimentation, pour prendre le temps… Un temps qui n’est guère accordé aux concepteurs par les maîtres d’ouvrage qu’ils soient publics ou privés. Serait ce là la clef de tout ? Avoir un lieu où l’on prend le temps de regarder les plantes vivre, où l’on prend le temps de les suivre, d’être à leur contact et apprendre d’elles, tout simplement. Avoir un jardin…

La Vallée - Gilles Clément

La Vallée – Gilles Clément

 

Jardin d'essai Olivier Filippi (Mèze)

Jardin d’essai Olivier Filippi (Mèze)

Mien Ruys Tuin

Mien Ruys Tuin

Mien Ruys Tuin

Mien Ruys Tuin

Priona

Priona

Jardin d'essai de Piet Oudolf

Jardin d’essai de Piet Oudolf

Photo Véronique Mure

Jacobstuin – Jaap de Vries

Jacobstuin - Jaap de Vries

Jacobstuin – Jaap de Vries

Sites de référence :

Gilles Clément : http://www.gillesclement.com

Olivier Filippi : http://www.jardin-sec.com

Louisa Jones : http://www.louisajones.fr

Mien Ruys : http://www.tuinenmienruys.nl

Les jardins de Priona : http://prionagardens.blogspot.fr

Piet Oudolf : http://www.oudolf.com

Jaap de Vries : http://decoulisse.nl/jakobstuin

Ton ter Linden : http://www.ateliertonterlinden.nl

Noel Kingsbury : http://noels-garden.blogspot.fr

 

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Ils sont 3 commentaires

  1. Ginette Boivin

    Bonjour,
    Merci pour ce beau titre : Le paysagiste, le jardinier et le botaniste.
    Qui correspond en tous points à ma vision de ce travail complexe mais oh combien passionnant.
    On peut visiter les lieux que vous nommez ? Y faire des stages peut-être ?
    Ginette Boivin
    Paysagiste-jardinière-botaniste
    (J’aime pas trop jardinière, mais jardinier pour une fille ça ne passe pas au Québec où on féminise tout : professeure, éditrice, première ministre…) À suivre…

  2. veronique

    Bonjour
    Merci pour votre message.
    Bien sur tous ces lieux se visitent, pour plus d’information vous pouvez cliquer sur les liens mis en fin d’article.
    Je ne sais pas si on peut y faire des stages. Par contre pour les stages je vous invite à regarder ce qui se fait au domaine du Rayol, un jardin réalisé par Gilles Clément qui propose des ateliers et formations :
    http://www.domainedurayol.org/les-ateliers-et-formations-presentation-0.html
    Cordialement
    Véronique


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