Le figuier de Pierre Sansot

Le figuier de Pierre Sansot

J’affirme souvent que nous avons tous une histoire de figuier dans un coin de notre mémoire. Alors, à la lecture du très sensible ouvrage « Jardins publics » de l’anthropologue méditerranéen Pierre Sansot, je n’ai pas été étonnée de redécouvrir (lue il y a très longtemps, je l’avais oublié…) celle ci :

« Un jardin d’été (…)

Les arbres étaient peu nombreux. Je me souviens plus particulièrement d’un figuier presque stérile et dont nous n’attendions pas grand chose. Son rôle, à nos yeux, n’était pas de produire des figues mais d’être tout bonnement un figuier, un principe cardinal de jardin, un arbre maudit (nous l’associons, pour je ne sais quelles raisons, à la trahison de Juda), une somme de proverbes, une source d’épithètes. Il nous semblait plus proche des cactus, des baobabs, que des autres arbres fruitiers. Il résistait mieux que nous à la sécheresse. Certaines figues arrivaient ç maturité en septembre après avoir traversé gaillardement l’été. Il était rare qu’elles pourrissent : leur peau se flétrissait plutôt à la manière du visage de petites vieilles. Nous rapportions le figuier à une économie parcimonieuse, comme celle de la Grèce antique (Epicure n’a-t-il pas écrit :  » Quelques figues, un verre d’eau, quelques amis suffisent à mon bonheur » ?), à une culture pastorale ignorant du meurtre des êtres vivants et qui se nourrissait de miel et de fromage de chèvre. » 

Pierre Sansot, Jardins Publics, Documents Payot 1993.

Figuier en été (Ficus carica) ©VéroniqueMure

Pierre Sansot , né en 1928 à Antibes, a enseigné la philosophie et l’anthropologie à l’Université Paul-Valéry de Montpellier. Sa thèse de doctorat donna lieu à la publication de son premier livre : Poétique de la ville. Son œuvre, d’un abord facile et en décalage par rapport à la tradition universitaire, a la particularité de s’attacher au repérage des petites choses du quotidien qui donnent du sens à la vie des gens ordinaires. Dans Les gens de peu, il décrit les moments de sociabilité que les couches populaires mettent en oeuvre pour enrichir un quotidien trivial et aliéné. D’autres ouvrages prolongent la même démarche en recherchant le jouissif à travers des thèmes aussi variés que les jardins publics, la beauté du paysage et la pratique de la conversation, du rugby, de la promenade, de la lenteur, etc.

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