Révisons la pollinisation du figuier…

Révisons la pollinisation du figuier…

Depuis la fin du mois d’aout, c’est la pleine saison des figues à la Bigotie.

Le bon moment pour en parler.

Noms communs : figuier.
Nom scientifique :
Ficus carica.
Famille : MORACEES

Tout d’abord une petite précision, « notre »figuier, Ficus carica, pour autant qu’il est unique pour nous n’est certainement pas le seul de son genre… En effet le genre Ficus (les figuiers) comprend à lui tout seul 700 espèces !!!

Ficus carica mis à part, tous les autres figuiers sont représentés par des espèces tropicales ou sub-tropicales, alimentaires mais aussi ornementales (nous connaissons bien Ficus benjamina et surtout Ficus elastica, le « caoutchouc » de nos appartements).

 L’histoire du figuier présente beaucoup d’analogies avec celle de l’olivier, autre arbre mythique, en ce qui concerne ses origines et ses limites géographiques. Son habitat préhistorique s’étend sur les régions moyennes et méridionales de la mer méditerranée, depuis la Syrie, jusqu’aux Iles Canaries. C’est donc un arbre méditerranéen par excellence. Largement cultivé il se rencontre aussi naturalisé ou subspontané dans tous les endroits incultes, les ruines, les haies, les rochers et les garrigues du Midi de la France, sur toutes les pentes sèches et ensoleillées, voire en dehors de son aire privilégiée jusqu’au nord de la Bretagne (Il a même fait l’objet d’une culture intensive à Argenteuil au XIXème siècle où 70 hectares avaient été plantés).

Les oiseaux jouent un rôle important dans sa propagation en transportant les graines après avoir consommé les figues.

Comme l’olive, la figue a de tout temps accompagnée les civilisations méditerranéennes.

Dans les pays du pourtour de la Méditerranée, le figuier est sans cesse occupé à produire des figues. Ses rameaux en portent toute l’année. Il était donc tout naturel qu’il soit devenu un symbole de fertilité. Dans la mythologie grecque, le figuier était l’arbre de Dionysos, Priape, dieu de la fécondité. A Rome, il était dédié au dieu Mars et dans la Bible, la figue est le fruit de la « Faute originelle »…De là a en déduire que sa feuille a servi de premier cache-sexe… Certes plus confortable par sa taille qu’une feuille de pommier mais quelque peu irritante….

Les qualités gustatives et nutritionnelles de la figue en font un fruit d’exception. Elle est riche en calcium, potasse, phosphore et fer. Et si elle est connue pour être délicate, demandant des précautions de cueillette et ne voyageant pas, une fois desséchée elle se conserve tout à fait bien.

Il existe environ 250 variétés de figuier commun aux noms évocateurs : La Blanquette, ou marseillaise, la figue d’Argenteuil, ou Versaillaise Blanche, l’Abondance, ou Franque paillarde, la Dauphine, la Barnissotte, ou Boursajotte…réparties en 3 groupes de couleurs de figues (blanches ou vertes, grises ou rouges, noires ou violets foncés).

Dans l’antiquité la figue était à la base du régime des athlètes en période olympique et Cléopâtre en fit son fruit préféré au point que l’aspic devant la tuer avait été, à sa demande, caché dans une corbeille de figues.

Il y a plus de 4500 ans, le gavage avec des figues était déjà pratiqué en Egypte. En France, cette pratique est sans doute contemporaine de l’époque romaine. Le foie ainsi produit s’appelait Jecur ficatum, littéralement foie aux figues, mais nos ancêtres latinisés ne conservèrent que le terme ficatum ou figue pour sa dénomination. Ce terme donna la forme figido au VIIIème siècle, puis fedie, feie au XIIème et enfin, foie.

Détail d'une frise de la maison d'Oplontis

Détail d’une frise de la maison d’Oplontis

Au moyen âge les figues se mangeaient fraîches, confites dans du miel ou sèches.

A la fin du XVe siècle, naquis l’expression « mi figue – mi raisin », pour signifier qu’une personne avait à la fois du bon et du mauvais. Le rapprochement de ces deux fruits n’est pas anodin. On dit que les marchands de Corinthe qui transportaient les raisins secs y ajoutaient des figues. Depuis, cette expression reflète une situation ou une personne ambiguë.

Cela n’a pas empêché, au début du XVIIème siècle, Olivier de Serres de vanter les qualités de la figue dans son « Théâtre de l’agriculture et ménage des champs » : « La bonté de la figue n’est mise en dispute, chacun tenant ce fruit là estre des plus exquis, lequel et le raisin, par jugement universel, sont estimés la coronne de tous les autres… »

Le figuier est un petit arbre, au tronc souvent tortueux, le plus souvent de trois à quatre mètres de haut, mais qui peut atteindre jusqu’à huit mètres dans des conditions climatiques adaptées. Une de ses particularités est de s’étaler à l’infini du fait d’une croissance plagiotrope (à l’horizontale) des rameaux. Le célèbre figuier de Roscoff, planté sous Henry IV, avait ainsi atteint 600m² à la fin du XIXème siècle…Toutes les parties de la plante (rameaux, feuilles, fruits) contiennent un latex blanc et irritant.

Mais LA question qui se pose est de savoir comment sont ses fleurs et où se trouvent elles ? Bien cachées à l’intérieur de la figue, elles sont en fait toutes petites et sans ornementation. De sexes séparés, les fleurs femelles tapissent toute la paroi interne de la figue tandis que les fleurs mâles se cantonnent à proximité de l’ostiole (ouverture de la figue).

Dessin V.Mure

Dessin V.Mure

D’un point de vue botanique, la figue n’est donc pas un fruit mais d’abord une inflorescence (appelée sycone) qui se transforme après fécondation en une infrutescence à l’intérieur de laquelle se trouvent les vrais fruits, des akènes (fruits secs indéhiscents) similaires à ceux que l’on trouve sur la fraise‏.

Mais c’est certainement dans son processus de pollinisation que la figue est la plus étonnante. Un processus connu empiriquement depuis l’antiquité mais scientifiquement depuis relativement peu de temps (mi XXème).

Pour comprendre la pollinisation du figuier il faut avancer pas à pas.

Commençons par regarder ce qu’il se passe dans les figuiers sauvages, les caprifiguiers.

On reconnaît les caprifiguiers, l’hiver, à la présence de nombreuses figues, déjà formées au bout des rameaux.  Elles sont vertes, spongieuses, sèches à l’intérieur, et tombent sans jamais parvenir à maturité. Les figues des caprifiguiers ne sont pas comestibles…Elles abritent durant l’hiver le blastophage, Blastophaga psenes L., le fameux insecte responsable de leur pollinisation, un parent des guêpes et des abeilles, un hyménoptère de la famille des Agaonides.

Le figuier ne peut être pollinisé que par le blastophage et le blastophage ne peut se reproduire en dehors des fructifications du figuier : aucun des deux n’existerait sans l’autre.

Parasitées par des blastophages arrivés au printemps (mi-mai), les fleurs femelles des figues du caprifiguier servent ainsi de couveuse à une nouvelle génération de blastophage qui ne tardera pas à éclore. S’en suit l’accouplement des jeunes blastophages à l’intérieur de la figue… Le destin des mâles, dépourvus d’aile, s’arrêtera là, tandis que les femelles fécondées prendront leur envol vers la mi-juillet vers un nouveau lieu de ponte. Pour s’échapper de la figue par l’ostiole elles devront passer à travers un tapis de fleurs mâles, alors fertiles, se badigeonnant ainsi les ailes de pollen.

La suite se passe chez le figuier domestique dont les variétés unifères fructifient une seule fois, en fin d’été, tandis que les bifères produisent deux récoltes par an :

  • Les figues fleurs qui mûrissent au mois de juillet, sur le bois de l’année précédente et assurent selon les variétés et selon les années de 10 à 50 % de la récolte (en moyenne 20 à 25 %). Les figues fleurs sont parthénocarpiques (elles mûrissent sans avoir besoin de pollinisation).
  • Les figues d’automne ou figues fruits souvent appelées aussi les « secondes » qui constituent le plus gros de la production, et mûrissent de façon échelonnée de la fin du mois d’août jusqu’aux premières gelées pour les plus tardives. Ce sont elles qui accueillent mi juillet les blastophages tout juste sortis des figues sauvages. Ils s’y précipitent pour pondre dans les fleurs femelles. C’était sans compter le génie de la nature… En effet les fleurs femelles du figuier domestique ont un style long (<1mm), trop long pour que le blastophage ponde dans la fleur… Le résultat ? Les figues ne sont pas parasitées et la fécondation des fleurs est assurée par le blastophage, arrivé couvert du pollen des fleurs du figuier sauvage dans lequel il était précédemment.

Ainsi pollinisée, cette génération de figues, les meilleures car les plus sucrées, va être la seule à produire des fruits, des petits akènes qui croquent sous la dent…

Pour qu’une figue soit un sucre, il faut qu’elle soit la tête penchée, la robe déchirée et la larme à l’oeil.  F.Honoré

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Ils sont 8 commentaires

  1. Whal danièlé

    Merci pour vos explications sur le figuier j’ai devant ma terrasse un faux figuier que je m’obstine à conserver sachant que je ne récolte rien mais il me plait ayant pousser tout seul .j’ai à plusieurs reprises déjà essayer de planter des vrais sans succès ,j’habite pourtant dans la pointe nord du cap corse au petit port de barcaggio 20275 Ersa merci pour votre site a bientot

  2. francis

    Merci beaucoup pour ce site très informatif. Ma femme m’ayant trompé il y a tout juste quelques mois, je m’adonne désormais à la plantation de figuiers afin de surpasser ma solitude. Cordialement, Francis

  3. Jean-Jacques

    Merci Francis pour ton touchant témoignage. Je suis moi même seul en ce moment suite à une mycose persistante et cherche de nouveaux hobbies qui me permettront d’oublier ma solitude. Je penses aussi commencer la plantation de figuier tout prochainement.
    Cordialement, Jean-Jacques

  4. FORGEUR

    Bonjour,
    J’ai procédé, il y a trois ans, dans la région tarnaise, à la plantation d’une bouture d’un figuier très prolifère en région Nord-Pas-de-Calais. Je n’ai obtenu pour l’instant que des figues qui apparaissent et tombent très tôt, ma bouture semblant m’avoir donné un caprifiguier, alors que le figuier d’origine donnait régulièrement de délicieuses figues blanches. Quelqu’un peut-il me dire si j’ai une chance que ma bouture me donne un jour de vrais fruits comestibles ? Je ne comprends pas ce phénomène, d’autant que j’ai toujours procédé par boutures et que cela a toujours marché…
    Merci de vos réponses.
    Frédyline

  5. veronique

    Bonjour
    Une explication pourrait-être que ce figuier était greffé sur caprifiguier et que vous avez pris une bouture du porte greffe. Est-ce possible ?
    Véronique

  6. BEDOS monique

    bonjour mon figuier qui a poussé tout seul dans les laurières on la mis ailleurs il est devenu gros au fil du temps et les figues sont nombreuses les premières petites figues qui tombent sont elle les fleurs du figuier??? on me soutient que non là en ce moment de belles figues apparaissent a la place de celles qui sont tombées pouvez vous m’expliquer ce phénomène merci

  7. veronique

    Bonjour
    Vous avez raison, ce n’est pas facile de suivre la floraison du figuier car les fleurs sont enfermées dans l’enveloppe de la figue. Pour les voir il faut couper la figue en deux, pendant qu’elle est verte. Comme dit dans l’article il y a deux types de fleurs, les fleurs mâles qui sont fertiles sur le figuier sauvage (celui qui a des figues en hivers, qui tombent avant d’être arrivées à maturité) et les fleurs femelles dont seules celles qui se trouvent sur le figuier domestique seront pollinisées et donneront de petits fruits secs, les « graines » craquant sous la dent dans la génération de figue de fin d’été. Car effectivement aussi les figuiers peuvent produire plusieurs générations de figues dans l’année (une en début d’été et une en début d’automne). Ce sont des figuiers dit « bifères ». Lorsqu’ils produisent une seule génération de figue, ils sont dit « unifères ».
    En espérant avoir répondu à vos questions.
    Cordialement
    Véronique


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