Pas un été sans anisés !!!

verre-pastis-vertPar cette chaleur rien de tel qu’un petit « jaune », noyé dans un grand verre d’eau bien fraiche, pour se désaltérer… Et ce n’est pas d’hier qu’on fait usage des boissons anisées, appelées tout simplement les « anisés »…

L’anis vert (Pimpinella anisum), à l’origine de leur appellation, est paradoxalement une plante d’origine inconnue qui fut cultivée pendant des siècles sur les rivages Sud de la Méditerranée. On n’en connaît aucune variété sauvage. Des écrits rapportent qu’il était déjà utilisé par les égyptiens et babyloniens dans diverses préparations médicamenteuses aux vertus sédatives, stimulantes et stomachiques. Consommé de façon parcimonieuse à jeun et avant le repas, il passait pour donner bon appétit et faciliter l’assimilation des aliments. On l’utilisait également dans l’antique médecine chinoise associé au fenouil (Foeniculum vulgare) et à l’aneth (Anethum graveolens) pour améliorer la digestion, mais aussi pour soigner les maladies des voies urinaires, et même pour arrêter le hoquet.

Ce sont les grecs, puis les romains qui, suite à leurs conquêtes en Asie Mineure et en Egypte, introduisirent l’anis vert en Europe. Ils en faisaient un usage un peu différent car, en plus de son action médicinale, ils dégustaient pour leur plaisir du vin d’anis, un mélange de vin, d’anis vert et d’autres plantes aromatiques.

On sait aussi que le «vinum silatum», une liqueur à base de fenouil et d’absinthe, était consommé en apéritif, tout autour de la Méditerranée, il y a 25 siècles.

anise-in-flowerL’utilisation de l’anis vert se perdit ensuite pendant plusieurs siècles sur le continent européen, alors qu’elle perdurait en Orient. Oublié en France et en Europe jusqu’au Moyen Age, il fut redécouvert lors des croisades et réintroduit à cette occasion dans la pharmacopée occidentale via les ports croisés, notamment Marseille et Gènes. Son usage resta toutefois exclusivement médicinal, attesté par l’existence, en 1263, d’une confrérie des « anysetiers » qui détenait un quasi-monopole sur son utilisation pharmaceutique à travers l’élaboration d’onguents, élixirs, liqueurs, huiles, etc…

imgp1382Au fil du temps, cette présence dans la pharmacopée ne se démentit pas. L’anis vert faisait parti, dans l’officine du temps passé, des Quatre Semences Chaudes Majeures avec le Carvi, le Cumin et le Fenouil. On redécouvrit en particulier ses vertus stomachiques ancestrales. Mais la pratique des alcools aromatisés ne réapparut vraiment qu’au XVIIIème siècle, lorsque la mode des « Piments » de Montpellier et autres vins d’armoises (Artemisia), d’absinthe (Artemisia absinthium), d’anis ou d’épices en fit des boissons fort appréciées des connaisseurs. Toutefois l’anis vert demeurait une matière première plutôt rare et de prix élevé, prix qui se répercutait sur les alcools.

7601822anis-etoile-badiane-jpgUne nouveauté allait changer cela. Au XVIème siècle, le navigateur anglais Thomas Cavendish avait découvert en Chine et introduit en Europe une plante très abondante, capable de rivaliser par son parfum et sa puissance avec l’anis vert : la badiane ou anis étoilé (Illicium verum). L’engouement pour les boissons anisés, à base de badiane, connut alors un essor considérable. Au XVIIIème et XIXème siècle les bateaux en provenance de Chine étaient très nombreux a en ramener. Un Ordre International des Anysetiers fit de nouveau son apparition à cette époque, mais sa vocation était sans nul doute moins médicale que les siècles précédents.

eb1e78328c46506b46a4ac4a1e378b91-2Le XIXème siècle fut aussi le siècle de l’absinthe dont la consommation atteignit des sommets à partir de 1860, et dont l’apparition à bas prix de copies parfois très dangereuses (les « sulfates de zinc ») aboutit à son interdiction pure et simple par les pouvoirs publics en 1915. Cette interdiction s’étendit à toutes les boissons anisées (appelées à l’époque « similaires de l’absinthe »).[1]

Si cette la loi mit un coup d’arrêt à la production d’absinthe, elle entraîna également la naissance d’un trafic de contrebande des anisés. Bon nombre de cafetiers se mirent à vendre sous le comptoir des boissons de fabrication personnelle plus ou moins frelatées. A Marseille, durant cette période, presque chaque café possédait sa propre recette. En 1920, sous la pression des distillateurs, les apéritifs anisés furent de nouveau autorisés sous réserve qu’ils ne contiennent pas d’absinthe, que leur couleur ne soit pas verte, que la teneur en sucre minimale soit de 10 g par litre et par degré d’alcool et que ce taux d’alcool ne dépasse pas 30%, porté à 40% dès 1922.

beausset-provence-pastis-ricardLa maison Pernod qui avait vu se fermer le marché de l’absinthe et dont l’image souffrait encore des ravages alcooliques du début du siècle s’engouffra dans ce nouveau créneau et elle ne fut pas la seule…

En 1932 c’est Paul Ricard qui se lance dans l’aventure avec une nouvelle boisson baptisée « Pastis », un mot provençal qui désigne plusieurs choses qui ont toutes en commun d’être produites avec des « mélanges ».

On connait la suite….

 

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.lamaisondupastis.com/images/pastis/pastis.htm

 


[1] Noël B., Nouvelles confidences sur l’absinthe, Ed. Cabédita, 2003

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Ils sont 3 commentaires

  1. Alti qui passe

    Le jaune, c’est trop « criard » à mon gout. Le bleu me semble plus « canal historique ».
    http://www.manguin.com/boutique/44-97-thickbox/pastis-bleu.jpg

    La maison mère, c’est là :
    http://www.manguin.com/produits.php?isolang=fr

    ça commence a se savoir. J’en ai vu à Paname à 2 pas de la place des Vosges, une tite rue paralele a l’avenue Beaumarchais, pas bien loin de la maison poulagat, mais j’ai oublié le nom de ce resto mais pas la qualité de ses produits. C’est un resto qui fait un angle et y a un platane en face, un pressing à côté mais pour te garer, mieux vaut venir à dos de chameau.

    J

  2. Deux ou trois petites choses sur les Apiaceae | Botanique Jardins Paysages

    […] Les organes végétatifs sont dotés de canaux sécréteurs de gomme-résine ou d’huiles essentielles à l’odeur pénétrante qui constituent pour la plante une protection contre les herbivores. Pour autant, les arômes de certaines Apiaceae, tels que l’anis et/ou le fenouil, sont appéciés des Hommes… J’en veux pour preuve, la longue histoire des anisés (à lire ici) […]


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