Une si chère truffe

Une si chère truffe

La truffe noire, Tuber melanosporum, a, depuis longtemps, dépassé les frontières du Périgord, même si son nom lui reste solidement attaché. Un cadeau des dieux, au parfum soufré entêtant, au goût inimitable, qui garde jalousement le secret de sa reproduction, bien caché dans les racines fines des chênes dont elles se nourrissent.

Mais les chercheurs n’ont pas dit leur dernier mot. Après 4 ans de recherche, le programme SYSTRUF, fruit de la collaboration de six équipes de scientifiques de Nancy et de Montpellier, a apporté de nouvelles connaissances sur l’écologie de la truffe du Périgord, sa nutrition, son développement, sa sexualité, et ses interactions avec les plantes, les autres champignons et les bactéries dans la truffière. Depuis le début, ce programme de recherche a été construit en lien avec les trufficulteurs de la Fédération Française des Trufficulteurs (FFT) et du Centre d’Etudes Techniques et Economiques Forestières Languedoc-Roussillon. Bien avant la publication d’articles, les chercheurs ont partagé « à chaud » leurs premiers résultats et conclusions avec les trufficulteurs et tous les curieux de trufficulture au cours d’une journée de « restitution » le 22 octobre dernier.

On a longtemps cru, par exemple, que la truffe n’avait pas de reproduction sexuelle. On pensait qu’elle était auto-fertile comme beaucoup d’autres espèces de champignons, ce qui expliquait sa faible variabilité génétique. En fait, le séquençage du génome de la truffe noire a montré que c’était faux : l’espèce a une reproduction sexuée. Il faut donc un mâle et une femelle pour assurer sa reproduction. Cette découverte pourrait permettre d’assurer une plus grande régularité de la production.

Et si il subsiste bien des mystères sur la manière dont la truffe se développe, nous savons maintenant que la truffe accumule du carbone en provenance de l’arbre-hôte dès les stades précoces de son grossissement, et ce, jusqu’à sa maturité. Elle dépend exclusivement de l’arbre hôte pour cet élément, car elle n’est pas capable d’en extraire directement à partir du sol. Le carbone est transféré via un lien fragile qui persiste durant toute son existence, contrairement, là aussi, à ce que l’on pensait. Ce transfert est très lent et est assuré même lorsque l’arbre est en état de repos végétatif et à basse température. C’est là la grande originalité de la truffe par rapport aux champignons « épigés » qui produisent des fructifications en quelques jours à partir du carbone fraichement synthétisé par l’arbre.

Les résultats de ces recherches ont des implications majeures en terme de gestion des truffières. Ils permettent d’argumenter les préconisations de taille des arbres notamment et de travail du sol.

Il faut, par exemple, éviter les tailles d’été destinées à freiner la croissance des arbres et les tailles tardives au moment où les truffes sont en cours de grossissement.

Le travail superficiel du sol est à proscrire dès que la truffe est initiée, pour ne pas rompre le lien qui relie la truffe à l’arbre (de juin à mars de l’année suivante).

Les recherches ont également mis en évidence que la truffe noire est une espèce pionnière. Ceci expliquerait pourquoi lorsque le milieu forestier se referme et que les truffières prennent de l’âge, la production de truffes s’arrête. Bien évidemment les pratiques de la trufficulture doivent s’adapter à ce caractère pionnier. Pour cela il est essentiel de maintenir le milieu ouvert, au stade pré-bois.

On le savait de façon empirique, l’histoire de la truffe est une histoire intimement liée à l’homme. Sans lui elle disparaît. Les récentes recherches du programme Systruf le confirment, pour se maintenir dans son boisement, la truffe a besoin que l’homme lui donne un coup de pouce, de pioche, de soc… par d’ingénieuses pratiques, pour retarder dans le sol les effets du vieillissement naturel de la truffière.

Mais bien des mystères restent encore à percer pour mettre en lumière la vie cachée des truffes, et c’est peut être tant mieux !

Vous avez interrogé les savants, leur demandant ce que c’était que ce tubercule, et après deux mille ans de discussion les savants vous ont répondu comme le premier jour : « Nous ne savons pas. » Vous avez interrogé la truffe elle-même et la truffe vous a répondu : « Mangez-moi et adorez Dieu. » (…).“ (Alexandre Dumas)

Véronique Mure


Bilan du programme Systruf, Pont du Gard, 22 octobre 2013.

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