Le paysage au service des Accords de Paris – Le message du collectif des Paysages de l’Après-Pétrole (PAP)

Le paysage au service des Accords de Paris – Le message du collectif des Paysages de l’Après-Pétrole (PAP)

 

Le paysage un vecteur de mobilisation, une condition de réussite, un facteur de paix
Tribune libre du Collectif Paysages de l’après-pétrole

Menacées par le fanatisme et la violence aveugle qu’engendrent non seulement l’épuisement des ressources, mais aussi et surtout les injustices sociales, cent quatre-vingt-quinze nations semblent aujourd’hui arrivées à un consensus sur le climat.

Pour relever le défi qu’elles viennent de se lancer – limiter à 1,5 degré cette hausse inéluctable des températures dont dépend la survie d’une humanité civilisée – elles pourraient choisir des solutions autoritaires ; tout comme on a hélas choisi, après le 13 novembre, de répondre à la violence par la violence.

Ceux qui croient en la démocratie préféreront évidemment opter pour une mobilisation de tous fondée sur la conviction et l’éducation.

Et c’est sans doute la solution la plus efficace car elle fait appel à l’intelligence et à la solidarité humaine. Pour traduire dans la réalité les engagements pris à Paris sur le climat, nous avons précisément besoin de ces qualités là : bien malin en effet qui pourrait définir une martingale technologique et comportementale unique contre les causes multiples de l’effet de serre qui nous menace.

Sauf à se contenter de déclarations lénifiantes et de ces fameuses promesses qui n’engagent que ceux qui les écoutent, il faut donc désormais rechercher les vecteurs de mobilisation les plus efficaces : le paysage en est un.

Il parle de cadre de vie, (donc) de bien-être, il fait appel à la perception sensible de l’espace, il mobilise nos cinq sens, il sollicite l’avis de chacun d’entre nous sur la beauté actuelle et surtout future de son environnement. Le paysage nous parle de la géographie d’un lieu, de ses ressources, de l’histoire de son appropriation progressive et de sa transformation continue par les populations humaines…

Il parle de l’Homme dans son lien sensible avec la Nature.

Pourtant, chez nombre de décideurs et d’aménageurs, on taxe les démarches paysagères de fantaisie inutile, coûteuse et passéiste. Le mot de paysage continue même à résonner comme une contrainte à dépasser pour les agriculteurs, les industriels, les concepteurs d’infrastructures de transport, les constructeurs de logements ou les bâtisseurs de villes, … S’y sont ajoutés depuis une décennie les producteurs ou installateurs de dispositifs de production d’énergies renouvelables, dont les accords de Paris vont aiguiser les ambitions … qui ne sont pas toujours philanthropiques !

Même si l’objectif climatique devrait dorénavant fédérer les projets, chacun risque en effet de continuer à privilégier en l’approche sectorielle à laquelle il a été formé au détriment d’une vision complexe de l’espace : le territoire désordonné, voire chaotique, qui résulte d’une série d’interventions juxtaposées et souvent autistes, continuera alors de constituer, non seulement un facteur de mal-être et un terreau de la violence, mais aussi un porteur d’incohérences qui seront ensuite coûteuses à réparer : murs anti-bruit, passages à faune, friches industrielles ou commerciales, inondations provoquées ou renforcées par un équipement mal placé…

Pour appliquer avec détermination les accords de Paris, concevoir l’organisation d’ensemble de notre espace de vie, de travail ou de loisirs est donc plus que jamais un objectif majeur : au lieu des repliements défensifs -NIMBY- que l’on constate trop souvent face à un projet ponctuel d’équipement, chacun pourra ainsi comprendre et s’approprier l’évolution des espaces, et, mieux encore, participer à leur mise en cohérence.

Les approches paysagères visent précisément cette mise en cohérence.

Elles commencent par identifier les ressources de chaque territoire, à prendre connaissance de son histoire et à mobiliser les habitants pour alimenter les projets. Cette «analyse inventive» est indispensable pour élaborer des solutions pertinentes car adaptées à chaque contexte, innovantes et économes. A partir de là, un projet énergétique, un nouveau quartier bas carbone, la requalification d’une zone périurbaine ou la composition d’une campagne où l’arbre et les haies auront de nouveau leur place, pourront susciter l’enthousiasme parce que leur figure aura été travaillée. Leur caractère novateur s’annoncera par la singularité d’un accomplissement esthétique auquel les habitants auront contribué.

Nombreuses sont les expériences pionnières de transition énergétiques menées par des collectivités qui ont fait de cette démarche le point de départ et le ciment de leur projet. On y sait comment économiser le sol et l’énergie, mettre en cohérence les équipements de transports et les logements afin de réduire les bilans carbone, et même où implanter en consensus les éoliennes et les panneaux solaires ! Ces aménagements pérennes, compatibles avec les ressources du milieu, sont aussi plus égalitaires : les banlieues défavorisées ou les espaces ruraux en déprise ne sont pas les derniers à se mobiliser, en dépit de moyens souvent limités.

Ces « paysages de l’après-pétrole », efficients en termes de durabilité, seront appréciés pour leurs qualités visuelles et sensibles et parce que les habitants, même les plus modestes ou les « derniers arrivés », auront été parties prenantes dans les choix qui transforment leur cadre de vie et leurs habitudes.

La promotion d’un « droit au paysage », pour guider et harmoniser les évolutions sociales, économiques et environnementales, loin de constituer un frein, est au contraire un formidable accélérateur de la transition énergétique. Plus généralement c’est un vecteur efficace d’adhésion aux principes du développement durable qui fondent – ou devraient fonder !- le nouveau stade de développement de notre édifice social, mis en cause dans sa cohésion par d’anachroniques démagogues, et dans son désir de paix par des fanatiques imbéciles.

La « belle et grande politique du paysage » annoncée il y a un plus d’un an par la ministre de l’écologie pourrait constituer une voie fédératrice, participative et solidaire pour mieux assurer ces objectifs.

Le paysage est donc non seulement une méthode au service des résolutions de la COP 21, mais il sera également un facteur nécessaire de concrétisation des engagements qui y ont été pris !

Chaussy, le 14 décembre 2015

Pour aller plus loin :

Régis Ambroise et Odile Marcel, « Aménager les paysages de l’après-pétrole », Editions Charles-Léopold Mayer, Paris. Novembre 2015.

 

 

 

 

Le Collectif PAP a pour objectif de redonner durablement à la question du paysage un rôle central dans les politiques d’aménagement du territoire, dans un contexte de transition énergétique et plus largement de transition vers un développement durable.

Retrouvez toutes les actualités du collectif sur :  www.paysages-apres-petrole.org

Collectif Paysages de l’après-pétrole
Bergerie de Villarceaux
95 710 Chaussy
contact@paysages-apres-petrole.org

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