Deux ou trois petites choses sur l’arbousier de Chypre.

Évènement le à

Deux ou trois petites choses sur l’arbousier de Chypre.

Basionyme référent : Arbutus andrachne L., 1759 

Noms vernaculaires : andrachne, arbousier à feuilles entières, arbousier à panicules, arbousier andrachne, arbousier de Chypre, arbousier de la Méditerranée orientale, arbousier du Levant, arbousier grec, arbre de corail

Lorsqu’on me demande quel est mon arbre préféré je réponds souvent l’andrachne. 

Me vient alors en tête l’image de ce bel arbousier déployant avec grâce ses multiples troncs desquamés, couleur cannelle, qui contrastaient avec un feuillage dense d’un vert éclatant. Je revoie celui qui pousse en plein cœur du jardin des plantes de Montpellier dont j’aimais aller caresser des yeux le tronc soyeux au cours de mes études à l’institut de botanique, il y a bien des années. Ce n’est que récemment que j’ai appris, au détour de la lecture d’un article du botaniste Charles Martins que cette Ericaceae (la famille des bruyères), qui pousse tout contre son cousin l’arbousier commun de nos garrigues, Arbutus unedo, dont on ne mange qu’un fruit…, avait certainement été lié à lui par greffage. Ainsi Martins témoigne qu’en 1808, 

le jardinier Michel[1]a greffé avec succès l’andrachné du Levant sur l’arbousier: ce qui confirme l’affinité des deux espèces d’arbres qui sont du même genre. L’andrachné supporte nos hivers comme nos étés en pleine terre ; il est singulier parle ton de couleur rougeâtre de son écorce. [2]

Que raconter sur ce petit arbre, au delà d’en décrire les qualités esthétiques ?  Ses fleurs couleur crème, disposées en panicule (grappe de grappes), ressemblent, comme tant d’autres Ericaceae, à des grelots formés de 5 pétales soudés. Le fruit, une grosse baie rouge-orangé, est comestible. Les feuilles sont entières et assez larges. L’écorce se détache par lambeaux, laissant apparaître une « peau » lisse, de couleur tout d’abord vert pistache virant ensuite au brun-orangé, contrastant parfaitement avec le vert franc de son feuillage persistant. Son bois est réputé cassant. Duhamel dans la seconde édition du « Traité des arbres », précise :

Le bois est employé à faire des outils pour les tisserands, et des fuseaux pour les femmes, comme du temps de Théophraste. Il est blanc, assez dur mais très fragile, parce qu’il n’a point d’élasticité. On ne peut le plier ; il casse net comme de la fayence. Cette fragilité ou ce manque de ressort est un effet de l’organisation de la substance ligneuse : elle se trouve dans les autres espèces du genre, et il nous paroît que c’est un caractère commun à toute la famille des Bruyères. (…) Belon dit que l’on en fait des tonnelles dans les jardins du mont Athos. En effet, c’est l’un des plus beaux que l’on puisse cultiver.[3]

L’arbousier andrachne est décrit par Théophraste et Pline. Pour ces auteurs antiques, il est natif des îles de  la Méditerranée orientale. De nombreux botanistes voyageurs des XVIe et XVIIe, Pierre Belon, Charles de l’Ecluse, Joseph Pitton de Tournefort, Gaspard Bauhin et Lamarck au siècle suivant, s’y intéressent. Une grande confusion s’est installée autour de son nom depuis cette époque.

Si on le sait présent en Angleterre depuis 1724. Les premières indications de plantation en France sont plus tardives, datant de la fin du XVIIIe siècle. 

En 1781, l’abbé Rozier est un des premiers à le dire cultivé dans les jardins dans l’hexagone :

« Les amateurs cultivent dans leurs jardins d’autres espèces (que Arbutus unedo, ndlr) : l’arbousier à feuilles entières, et non découpées ; son écorce est lisse, ses feuilles beaucoup plus larges, et sa tige plus haute que celles du précédent. C’est l’Arbutus andrachne du chevalier Von Linné ; il croît naturellement dans la Natolie ; il exige un terrain très-sec, & craint beaucoup le froid. » [4]

En 1783, le Chevalier de Lamarck, évoque plus précisément sa culture au Jardin du Roi à Paris.

« On cultive dans les jardins l’arbousier à panicule, Arbutus andrachne . Au Jardin du Roi, il fleurit vers la fin de mars. On le tient dans l’orangerie pendant l’hiver. »[5]

En élargissant les recherches on trouve l’Andrachne attesté dans les jardins des plantes de Barcelone, Marseille, Montpellier et Béziers, entre la fin du XVIIIe siècle et le tout début du XIXe.

Gouffé, directeur, au jardin botanique de Marseille précise dans un article daté de 1813 qu’il cultive cet arbre depuis plus de 30 ans, et donc depuis 1783 au moins.[6]

En décembre 1803, Mr de Jessé,  directeur du jardin botanique de Béziers, écrit à Mr Drio de Barcelone pour avoir des graines d’Andrachne.

A noter que Monsieur Audibert, célèbre pépiniériste de Tarascon, et premier directeur du jardin botanique de Marseille en 1801, commercialisait des Arbutus andrachne au début du XIXe siècle comme le montre le catalogue de sa pépinière de 1817.

Où peut-on admirer l’Arbutus andrachne et ses proches parents, aujourd’hui ? 

Celui du jardin des plantes de Montpellier semble souffrir de sa situation désormais ombragée et du manque de sol. L’un de ses contemporains ( ?), poussant non loin, au cœur du parc Méric est devenu mon préféré !

De nombreux jardins de la Côte d’Azur en abritent également. Le Plantier de Costebelle, à Hyères, est réputé pour ses nombreux vieux sujets ; Dans le Jardin des Méditerranées au Rayol Canadel ou à la Villa Thuret à Antibes on peut découvrir de beaux exemplaires, ainsi que des hybrides tels que Arbutus x thuretiana. Ce dernier est issu d’une hybridation entre Arbutus canariensis et d’un Arbutus andrachne, tous les deux présents à la Villa Thuret en 1875. Il fut nommé par erreur, pendant un certain temps, Arbutus glandulosa

Sans oublier Arbutus x andrachnoides, un hybride spontané entre Arbutus unedo et Arbutus andrachne. A. unedo lui apportant sa rusticité ainsi que sa relative résistance au calcaire, ce qui est rare chez les Ericaceae. A. andrachne quant à lui, lui offrant sa magnifique écorce. 


Arbutus andrachne ©vmure
Arbutus andrachne ©vmure
Arbutus x thuretiana Domaine du Rayol ©vmure
Arbutus x thuretiana Domaine du Rayol ©vmure
Arbutus andrachne et Arbutus unedo – Jardin des plantes de Montpellier 2020 ©vmure
Arbutus andrachne ©vmure
Arbustus andrachne – Traité des arbres et arbustes (©Duhamel)

[1]Le jardinier Michel,  a été envoyé depuis  1801 par le Gouvernement pour renouveler le Jardin des Plantes de Montpellier et l’entretenir. 

[2]Amoreux,P.J., Etat de la végétation sous le climat de Montpellier, 1809

[3]Duhamel, Traité des arbres  et arbustes de France que l’on cultive en pleine terre.  Seconde édition considérablement augmentée, Paris

[4]l’Abbé Rozier Cours complet d’agriculture, Tome 1 p. 604-606 1781

[5]Lamarck, chevalier de, Encyclopédie méthodique botanique Tome 1, 1783

[6]Mémoire sur les végétaux exotiques qui peuvent être naturalisé dans les départements méridionaux de la France – Académie de Marseille 1813

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5726277b/f158.image.r=andrachné%20marseille

Vous aimerez aussi

Il n'y a pas de commentaires