Son ombre étroite mais dense échancre la brûlure de l’été, il suffit alors d’un seul cyprès pour protéger un homme.
L’un à l’autre unis, l’homme au tronc de l’arbre appuie ses épaules et attend, doublé de cette patience végétale, que l’heure ardente passe.
Jean Giono
Nom commun : Cyprès commun
Nom latin : Cupressus sempervirens
Famille : Cupressaceae
On le pense venu d’Asie Mineure, ou des bords de la Méditerranée, mais pour certains il serait originaire de l’île de Chypre (Cyprus indiquant une origine chypriote) et de là il se serait propagé en Grèce, Turquie…
Un arbre à la silhouette fastigiée, pouvant atteindre jusqu’à 20 à 30m de haut. A l’origine de cette forme unique, étroite et élancée, un assemblage de feuilles plaquées sur des branches dressées, serrées contre un tronc vigoureux. Pour autant, on peut trouver certains cyprès au port étalé dans les populations naturelles. Mais il faut bien l’avouer, ils plaisent moins aux hommes…
Son nom est lié à une légende contée par Ovide. Cyparissus était un enfant de l’île de Céos attaché à un cerf sacré avec lequel il partageait ses jeux. Un jour, par mégarde, l’enfant blessa mortellement son animal préféré. Inconsolable, il voulut mourir, demandant la faveur de pleurer éternellement. Apollon, ne parvenant pas à le consoler, le métamorphosa en cyprès.
L’arbre devient alors, dans le monde méditerranéen, un symbole funèbre. Mais, cette métamorphose évoque aussi une manière d’atteindre l’éternité. Au delà de la mort, le cyprès symbolise la vie éternelle. Autour des temples grecs et mésopotamiens il formait des bosquets sacrés. Plus tard il fut largement utilisé dans les jardins mauresques de l’Espagne musulmane.
L’idée persane, vraie, autant que sublime, est celle-ci, que le cyprès, l’arbre pyramidal dont la pointe imite une flamme, est un médiateur pour la terre et le ciel. (Jules Michelet)
A quel moment est-il devenu un symbole de bienvenu à l’entrée des jardins méditerranéens ? Plantés par deux ou par trois, dévoilant la générosité du lieu pour le gite, le couvert et l’amitié…
Son bois compact et gorgé d’essences est non seulement d’une solidité à toute épreuve mais également imputrescible. Ces qualités en font un matériau précieux. Rien d’étonnant à ce qu’on le trouve utilisé pour le plancher du temple de Salomon, pour la Croix de Jésus – avec l’olivier et le cèdre, les anciennes portes de la première basilique de Saint-Pierre à Rome, pour un des trois cercueils emboités des Papes, la flèche d’Eros, le sceptre de Jupiter – symbole de la durée éternelle de son empire, les bateaux de la flotte d’’Alexandre le Grand…
Plus prosaïquement Prioton signale qu’en Languedoc, de petits ateliers de menuiserie en confectionnaient naguère des caisses destinées à préserver des mites, lainages et fourrures, en raison de l’odeur pénétrante que dégage le bois de cyprès.[1]
Le forestier montpelliérain vante également sa plantation en bosquets denses, composant des formations pratiquement incombustibles, selon lui, en raison de l’épaisseur de la litière et de son feuillage plaqué laissant circuler très peu d’air. On sait depuis peu que les cyprès ont développé d’autres stratégies de défense contre l’incendie. A l’approche d’un feu, dès que la température de l’air avoisine 60°C, le cyprès « dégaze », libérant toutes ses essences, des mono-terpènes à 80% . Ainsi déchargé de matière combustible, il se protège des flammes.
Arbre à l’aspect graphique, il est un « marqueur » fort des paysages méditerranéens, jusqu’à inspirer de nombreux artistes. Van Gogh disait de lui qu’il est « beau comme un obélisque égyptien ».
Mais laissons le mot de la fin à Ferdinand Bac qui, mieux que tout autre, en a prononcé l’éloge.
Je voudrais prononcer devant vous une plaidoirie en faveur du cyprès que nous avons relégué au cimetière pour être bien sûr qu’il ne revienne plus. Pourtant, au plus loin de l’antiquité, il garde le seuil des temples et des portiques qui s’ouvrent sur la gloire humaine. Sa colonne millénaire se dresse vers le ciel. Depuis son berceau persan jusqu’à nos ravins sauvages, derniers survivants des temples pastoraux, nous les rencontrons aux lieux qui ne sont pas encore lotis. Ceux-là, on les appelle «les cyprès des pauvres » parce que, les plus beaux de tous, ils ont grandi dans la solitude et dans le dédain des calmes vallées. Si ceux qui les ont bannis des villes savaient ce qu’ils ont exilé, s’ils se doutaient de quelle beauté souveraine ils ont dépouillé leur propre terre, ils comprendraient le tort qu’ils ont fait à l’âme des jardins. Les temps ne sont-ils pas venus où cet arbre immortel devra faire sa rentrée dans les belles cités de Dionysos et jalonner ce qui reste de ce rivage.
[1]Prioton, J., Emploi des cèdres et des cyprès dans les reboisements des garrigues méditerranéennes. In : Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault. La garrigue.
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