Aller flâner aux Tuileries

Aller flâner aux Tuileries

Aller flâner aux Tuileries un jour de presqu’été.

Par curiosité.

Pour y trouver des indices, des traces, des arbres, peut être même des fantômes, qui parlent de l’histoire de ce jardin parisien, vieux de plus de cinq siècles.

Curieuse de sentir au détour d’une allée, le souffle des démons dont souffrait Catherine de Médicis en 1571, lorsqu’elle interrompt subitement ce beau projet des Tuileries lancée huit ans auparavant. Etait-ce juste pour fuir une funeste prédiction ? Parvenue à la maturité de la quarantaine, désireuse de dire au monde qu’était venu le temps de la reconstruction, mais aussi, sans doute, toujours nostalgique des jardins de sa jeunesse florentine, savait-elle qu’elle initiait là une histoire qui n’allait cesser de rebondir ?

Aller flâner aux Tuileries un jour de presqu’été.

Prendre un peu de hauteur sur la terrasse du bord de l’eau.

Curieuse de repérer les traces des premiers dessins du jardin de Baptiste Tarquin ou mieux encore d’improbables vestiges de la grotte rustique du célèbre céramiste Bernard Palissy. Une grotte émaillée, ornée d’une flopée de petits animaux, poissons, grenouilles, tortues, écrevisses, serpents sur un fond de coquillages et de feuillages divers. Une accumulation de choses de la nature, à la manière des cabinets d’histoire naturelle alors en vogue en ce XVIe siècle. Mais surtout une grotte inachevée, puis détruite avec le siège de Paris de 1590.

Avide de questionner du regard les vieux arbres.

Rencontrer au hasard de mon cheminement un mûrier blanc (Morus alba), introduit là en hommage à ceux plantés par Henri IV pour encourager la sériculture. Croire entendre, dans le bruissement de son épais feuillage, les propos échangés alors par le roi et le « père » de l’agriculture, Olivier de Serres, en 1600. « Monsieur du Pradel, vous entendrez par le sieur de Bordeaux, par les mains du quel vous recevrez la présente, l’occasion de son voyage en vos quartiers, et ce que je désire de vous. Je vous prie donc de l’assister en la charge que je lui ai donnée, et vous ferez service très agréable. Sur ce, Dieu vous ait, monsieur du Pradel, en sa garde. – Ce 27 septembre, à Grenoble. »

« Par cette mesme voye, écrit Olivier de Serres, le roi me fit l’honneur de m’escrire pour m’employer au recouvrement des dits plants, où j’apportai telle diligence, que au commencement de l’an six cens un il en fut conduit à Paris jusques au nombre de quinze à vingt mil, les quels furent plantés en divers lieux dans les jardins des Tuileries, où ils se sont heureusement eslevés…  »

Examiner d’un regard bienveillant un marronnier d’Inde (Aesculus hippocastanum) affichant des signes certains de sénescence et d’un regard admiratif un bel orme de Chine (Ulmus parvifolia) bicentenaire, miraculeusement épargné par la graphiose qui, au XXe siècle, emporta presque tous ses congénères.

Et puis sentir souffler partout sur le jardin, l’esprit d’André Le Nôtre, LE paysagiste du Grand siècle. Si on l’associe généralement à Vaux-le-Vicomte et surtout à Versailles, c’est aux Tuileries qu’il restera attaché toute sa vie. On le sait, André Le Nôtre est né aux Tuileries, un vendredi de mars 1613. Il y a passé sa jeunesse, formé aux arts sous la tutelle de Simon Vouet en compagnie de Charles Lebrun et au métier de jardinier sous la tutelle de son père, Jean, et de Claude Mollet. Il y réalisera, la cinquantaine venue, son œuvre la plus personnelle, essentiellement marquée par l’immense perspective de la « grande allée ». C’est ici qu’il meurt également, au tournant du siècle, le mercredi 15 septembre 1700.

Dédaigner les siècles de chaos qui suivirent.

Se souvenir, émue, des discussions avec Jacques Wirtz alors qu’il dessinait ses topiaires d’if pour le Caroussel dans les années 1990 et que dans le même temps, Louis Bénech et Pascal Cribier, lauréats du concours de restauration des Tuileries, amorçaient de leur côté un vaste chantier de réaménagement du jardin.

Aller flâner aux Tuileries un jour de presqu’été, à l’ombre des arbres du Grand Couvert, à la recherche des traces de toutes ces histoires…

 

Tuileries © V Mure Tuileries © V Mure Tuileries © V Mure Tuileries © V Mure Tuileries © V Mure Tuileries © V Mure Tuileries © V Mure

Vous aimerez aussi

Il est 1 commentaire


Publier un nouveau commentaire