Du vent dans les arbres…

Du vent dans les arbres…

Le vent est un élément très présent mais dont l’impact est souvent peu décrit en écologie, au contraire des questions de chaleur et de sécheresse ou encore de biodiversité.

Et pour tant tous les arbres de nos forêts tempérées sont liés au vent pour leur reproduction et bien souvent pour la dissémination de leurs diaspores (fruits et graines), dédaignant bien souvent les relations avec les animaux. Ou bien est-ce l’inverse…

Tous les arbres ? A peu près oui…

Les Gymnospermes (pins, cyprès, genévriers, cèdres…)

Les Angiospermes amentifères :

Les Fagacées: chênes, hêtres, et châtaigniers

Les Bétulacées : aulnes, bouleaux, charmes, noisetiers,

Les Salicacées : saules et peupliers

Les Juglandacées : noyer

Ce qui rassemble ce groupe d’arbre c’est leur floraison caractérisée par des chatons. D’où le fait qu’ils soient rangés dans un groupe artificiel les Amentales (ou Amentifères)

Mais qu’est ce qu’un chaton  ?

Un chaton (amentum en latin) est une inflorescence en épi pendant, qui porte des fleurs apétales.

Les chatons femelles sont souvent réduits à quelques fleurs et très contractés (exemple du noisetier), alors que les chatons mâles comprennent un grand nombre de fleurs.

Après fécondation les chatons mâles tombent, tandis que les chatons femelles se transforme en fruit.

Les fleurs apétales sont donc sans pièces florales (pétales) et donc sans couleur. Elles sont également dépourvus de nectar.

Hormis certains chênes tels le chêne vert ou le chêne kermès, les amentales ont un feuillage caduque.

Les chatons apparaissent avant le mise en place des feuilles, souvent en position terminale. Une floraison qui arrive donc assez tôt au printemps, parmi les premières fleurs de l’année, avec les fleurs de sous bois, elles aussi contrainte de fleurir avec que les feuillages des arbres sous lesquels elles poussent assombrissent le milieu.

Les fleurs sont unisexuées, soit mâles soit femelles. Les arbres à chatons ont donc tendance à la monoïcie ou la dioïcie. Avec une préférence pour la monoïcie.

Sont dioïques : les saules, les peupliers.

Sont monoïques, les pins, les chênes, les aulnes, les châtaigniers, les noisetiers, les bouleaux, les charmes …

La faible proportion d’arbres dioïques s’explique par le « gaspillage » que provoque cette répartition des sexes, obligeant les populations à entretenir deux fois plus d’individus pour une même quantité de diaspores émises (les individus mâles n’ayant plus de rôle dans la reproduction une fois le pollen émis…).

Les fleurs apétales portent des organes sexuels longs et pendants. Des fleurs mâles avec des étamines avec des filets longs et grêles, exposés au moindre souffle d’air. Des fleurs femelles avec des stigmates conçus de manière à capter le maximum de grains de pollen.

Dans le même temps le nombre d’ovule est réduit (le plus souvent à un) et à l’inverse le nombre de grains de pollen est supérieur à la normale des plantes à fleurs. De plus ce pollen est petit, sec et légers, sans ornementation. Il offre ainsi une moindre résistance à l’air.

L’ensemble de ses caractères sont liés au mode de pollinisation de ses espèces :

Une pollinisation par le vent (Anémophilie ou Anémogamie)

Un mode de pollinisation abiotique, beaucoup plus aléatoire qu’une pollinisation biotique, mais à l’inverse ne dépendant pas de la présence d’un insecte ou autre animal quelques fois capricieux dans certaines conditions écologiques. Ce mode de pollinisation a donc nécessité que les plantes adoptent des caractères spécifiques permettant d’améliorer la performance de la pollinisation.

La réduction du nombre d’ovule et l’augmentation du nombre de grains de pollen tend donc à compenser le peu de chance qu’a un grain de pollen, livré au vent, d’arriver à destination sur le stigmate d’une fleur femelle.

Malgré cela, parmi l’énorme masse de pollen émise il y a beaucoup de perte.

Les pluies de soufre du printemps, responsable de nombre d’allergies, nous donnent une idée de la quantité considérable de pollen émise.

Un noisetier émet en moyenne 500 millions de grain de pollen au début du printemps alors que quelques grains seulement (quelques centaines) féconderont un nombre d’ovule quant à lui réduit.

Un seul chaton mâle de bouleau produit environ 5,5 million de grains de pollen

Les grains de pollen suivent les courant aériens ascendants et peuvent monter jusqu’à 5000 m d’altitude, avec le risque de voir le pouvoir germinatif détruit par les UV.

Ils peuvent également parcourir des centaines de kilomètres dans une journée. On a pu calculer qu’en Europe 27 000 grains de pollen de toutes espèces se déposent annuellement sur 1cm² de sol (la surface d’un timbre poste).

Ecologie des plantes anémophiles :

Les caractères propres à l’anémophilie expliquent aussi l’écologie des espèces. Pourquoi les espèces anémophiles se trouvent soit dans des peuplements ouverts (prairies, steppes) où les obstacles son faibles, soit dans des peuplements denses mais constitué d’une seule espèces.

Les arbres à chatons sont donc des arbres sociables, comme nous le dit Jean Marie Pelt, vivant avec leurs congénères.

D’où les peupleraies, les chênaies, les hêtraies, les charmaies…

D’un point de vue évolutif il semble que les espèces anémophiles soient les premières, les pollinisations biotiques étant caractérisées par la mise en œuvre de processus plus sophistiqués.

En ce qui concerne les peuplements d’arbres à dominance anémophile, on constate, comme nous l’explique Francis Hallé, que lorsqu’une espèce domine un peuplement en nombre d’individu la biodiversité est plus faible que dans d’autre peuplement, car il est évident que pour une même surface, plus il y a d’individus d’une même espèce, moins il y a d’espèces.

De la même manière, dans les populations anémophiles, les liens entre les arbres et la faune sont plus rares, puisque ces arbres peuvent se reproduire sans l’intervention des animaux et de même la dissémination des diaspores, fruits ou graines, est également souvent prise en charge par le vent. Ces arbres sont donc capables de vivre et d’évoluer sans l’aide d’aucun animal. Au cours de leur vie, il ne sont donc soumis qu’à des défis abiotiques (froid, sécheresse, vent, neige, feu, tempêtes…

La fructification

Dans la même logique les arbres des forêts tempérées produisent des fruits souvent adaptés à une dissémination par le vent. Il s’agit de l’anémochorie.

Les adaptations relatives à l’anémochorie sont :

Des diaspores en général légères, sans couleur remarquable, secs.

Il s’agit en général d’akènes avec des structures aliformes (présence de structures plumeuses ou fibreuses..).

  • Soit des samares comme les charmes, ou le bouleau.

En botanique, la samare est un fruit sec indéhiscent, c’est-à-dire un akène (contenant une seule graine, libre dans son enveloppe), muni d’une excroissance en forme d’aile membraneuse, formée par le péricarpe.

La forme de l’aile, qui a pour fonction d’aider à la dissémination du fruit par l’air ou le vent, est variable. Elle est allongée chez le charme.

Le fruit sec peut être une capsule. Dans ce cas là ce sont les graines qui sont munies d’appendices spécialisées.

  • Soit, chez les Salicacées, peupliers et saules des fruits secs sous forme de capsules ovoïdes (les cupsides) qui renferment des graines cotonneuses Chacune a une touffe de longs poils soyeux. Dans ce cas ce sont les graines qui sont disséminées.

L’efficacité de l’anémochorie est variable. Comme pour l’anémophilie elle est plus performante en milieux ouverts. Elle dépend aussi du poids des diaspores

Bien sur tous les arbres à chatons ne produisent pas de type de fruit, certains produisent des akènes plutôt lourds comme le chênes, châtaignier, le hêtre. Chez le noisetier la paroi de l’akène est dure (osseuse) on dit alors que c’est une nucule. Chez le noyer les fruits sont, quant à eux, des drupes déhiscentes (ce qui est un caractère exceptionnel de la drupe) .

Dans le cas de ces fruits lourds la dissémination des fruits est soit barochore (les fruits tombent du fait de leur poids par gravité) soit liée à des espèces animales inféodées aux arbres telles le geai ou l’écureuil, qui prélèvent les fruits pour se nourrir, en font des provisions dont ils en perdent ou en oublient la moitié dans leur cache… On appelle ce type de pollinisation de la synrodontochorie qui est une forme de zoochorie.

Quelque fois il est intéressant de revenir aux fondamentaux de la botanique pour éclairer d’un autre jour les modes et tendances actuelles à la recherche de forêts biodiverses.

Chatons de chêne vert (Quercus ilexphoto Véronique Mure Jardins de la Bigotie photo Véronique Mure Jardins de la Bigotie photo Véronique Mure Jardins de la Bigotie

Aulne @VM

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