Le premier pas, l’arbre et le citoyen

23 novembre 2016 /

« On les repère en premier ; les oliviers, vieux, tourmentés mais fiers de nous présenter leurs pépites noires. L’inule visqueuse (a pecita) n’est pas loin, l’herbe qui colle et abrite le parasite du parasite de l’olivier ! il manque les poules, et la mouche de l’olivier n’aurait qu’à bien se tenir. L’arbre parfois s’est étalé à la faveur d’un brulis de berger. Une belle assise ombrée. Nelson-pas l’amiral (quoique !)- non, Nelson Mandela, aurait pu y distribuer justice, comme Louis. Tiens, et si en été nous accrochions des lampions dans le feuillage bleuté pour écouter les contes ?

Les feuilles du tulipier de Virginie tapissent la prairie où les pimprenelles (salvastrella), trèfles (trifogliu) et plantain lancéolé (capruna, filare), s’en donnent à cœur joie ! Un régal pour nos salades. Le prunier, lui, est abimé, mal taillé, trop arrosé ; il va tomber du côté où il penche… A l’aide ! (l’hôpital est proche, ça devrait aller, les jardiniers-infirmiers arriveront vite …)

La ligne de timidité à la cime de nos pins et celles de ses racines force l’admiration. Respect mutuel dans la Nature. Prenons-en humblement de la graine !

Et ce tronc massif qui se révèle n’être qu’une multitude de branches assemblées !! Bronches de nos poumons ? Attention, jardinier-pneumologue seul autorisé à opérer.

Le laurier noble pour de vrai, diligente son armée de soldats-branches tout autour de lui en prévision d’une future attaque si nous essayons de le maitriser en le taillant. Il fait acte de résistance. Il a passé l’info à tous ses compatriotes. Mot d’ordre : »Écrasez-nous et on vous envahira ». Ça me rappelle quelque chose….

Le filao se moque de cette rébellion ; il balaie le ciel pour chasser la poussière du parking et procurer de l’ombre aux voitures assoupies. Il est de la famille des prêles, plantes des Origines. À ses pieds, le pourpier (erba fratesca). Encore un régal, cru, cuit. Et là aussi la chicorée sauvage (cicoria), du fenouil (finochju) pour bien digérer. Le laiteron (lattaghjolu) dans la soupe avec les châtaignes, pomme de terre, panzetta, thym… ça sent bon.

La menthe ou plutôt les menthes (a menta, mintrastu, puleghju) doivent se cacher au milieu des cannes de Provence, dans l’humidité de ces endroits autrefois cultivés (cannicciu).

Sur un talus sec prospèrent des myrthes (morta). Fruits pourpres incomparables pour l’acqua vita et si délicats pour le gibier. Les habitants surveillent leur maturité du haut de leur balcon.

La petite oseille (arba tittela, acetula) dans l’herbe nous fait de l’oeil pour allez danser avec le brocciu dans une belle soupe de fin d’hiver, d’automne, de printemps, enfin, on ne sait plus, le climat a bu et n’a plus l’air très clair !

Le pissenlit (radichju, ricebice), lui attend que l’hiver calendaire passe. Ses fleurs illumineront les premières salades du printemps. Il déteste être confondu avec la terre crépie -drôle de nom !- (lattarela) qui lui vole toujours la vedette. Normal, c’est la reine de la soupe (encore une !)

À cette époque le terrain a du « vague » à l’âme. Il attend les jours plus chauds pour nous offrir un océan de couleurs et de saveurs.

Protégeons donc sa Nature Sauvage et Délicate. Chut ! Il dort. »

Martine Béroud, une habitante de Bastia.

18 nov 2016 -Balade dans le square Nelson Mandela (Bastia) en présence de V. Mure .

Ndlr : A la demande du service de la démocratie participative de Bastia, je suis allée, jeudi 17 et le vendredi 18 novembre, parler d’arbres et de l’importance de la nature en ville avec les habitants. Il a été demandé aux participants à la balade du vendredi 18, dans le square Nelson Mandela, de rédiger de petits textes sur le thème de leur choix. C’est dans ce cadre que Martine Béroud a envoyé ce billet d’humeur que je publie avec plaisir aujourd’hui. V.M.

Voir l’interview de Véronique Mure sur Corse net info, ici