Indispensables sédums… du jardin médicinal au jardin d’ornement.

Indispensables sédums… du jardin médicinal au jardin d’ornement.

 

Les sédums sont des plantes précieuses pour les jardins d’automne. Avec leurs couleurs chatoyantes, presque aussi variées que le nombre d’espèces, ils égayent les plates bandes ensoleillés de septembre, mais aussi les murs et les rocailles ou encore les toitures végétales dont le Sedum sediforme, un des plus robustes, est devenu une des plantes phare.  D’une culture très facile, ils disparaissent après la floraison automnale, pour mieux réapparaître à la fin du printemps,  et passer l’été sans histoire (et sans eau) grâce à leur feuillage crassulescent.

Avec plus de 400 espèces, les sédums représentent le genre le plus important de la famille des Crassulacées, des plantes dites « grasses » du fait de leur feuilles charnues, gorgées d’eau.  Leurs habitats naturels se trouvent dans les régions tempérées et froides de l’hémisphère boréal, mais depuis bien longtemps les hommes les ont aussi transplanté dans leur jardin.

Déjà dans la deuxième moitié du 18ème siècle, en 1767 exactement, lorsque le Chelsea Physic Garden de Londres met en place son premier jardin de rochers, dans un but scientifique, John de Blackburne Orford  écrit : « Je vais faire une rocaille pour y faire croître des plantes qui poussent dans les rochers, à savoir: sedum, stonecrop, licopodiums, lichens, mousses etc »

Un siècle plus tard, en 1870, William Robinson, ne détaille pas moins de 80 espèces, dans son ouvrage « Alpine flowers for English garden »[1] dans lequel il propose à l’Angleterre le « rock garden » qui deviendra bientôt l’objet d’un véritable culte.  Pour lui les sédums sont parmi les plantes les plus faciles à multiplier et à cultiver. Du sedum spectabile, originaire du Japon, il dit déjà « this is one of the finest automn-flowering plants, introduced of late years… a first class border-plant ».

Pour ma part j’ai des souvenirs très précis de bordures de sédums dans les jardins des cottages anglais, côtoyés il y une trentaine d’années. Certains pieds, dans les plates bandes du jardin de la Bigotie, en sont issus. Ils sont arrivés jusque là après bien des étapes dans mes jardins successifs, prouvant en cela leur extrême résistance. D’un rose bonbon qui n’est pas ma couleur préférée, j’y suis attachée pour tous les souvenirs qu’ils éveillent en moi, de ces jardins d’outre manche.

Aujourd’hui c’est en grande part pour ses qualités de résistance à la sécheresse que les sédums sont revenus à la mode.  Olivier Filippi préconise les plus petits, comme le Sedum sédiforme, pour un jardin sans arrosage[2]. Et Piet Oudlof les propose dans ses listes de plantes pour les jardins d’avenir[3], pour leurs qualités à la fois de structure, avec des silhouettes expressives du printemps jusqu’à la fin de l’hiver, mais aussi pour leur grande longévité et leur faible entretien.

Mais bien avant qu’on les utilise pour leurs qualités esthétiques, c’est dans le jardin médicinal que l’on trouvait les sédums.

En 1600, dans le « Théatre de l’agriculture et ménage des champs »,  Olivier de Serres le cite dans le chapitre consacré à la « Fourniture du jardin médicinal » sous le nom de Reprinse, ou orpin. Il « arreste le flux du sang : consolide les plaies, mesme les ulcères intérieures ». Il note aussi qu’il « croist facilement partout où l’on désire la loger, jusqu’au fentes et crevasses des murailles, mais vient plus grand près des eaux, qu’en lieu sec et aride.»[4]

L’éthymologie de son nom, bien que discutée, rappelle en parti ses vertus énoncées par Olivier de Serres. Pour certains, Sedum pourrait provenir du latin sedere : s’asseoir, en relation avec la forme étalée sur la terre ou sur les pierres  de certaines espèces. Mais une autre hypothèse penche vers le verbe sedare : apaiser, propriété réputée du sédum.

Sedum telephium, la « reprise », herbe à la coupure ou encore herbe au charpentier, atteste lui aussi, à travers ses noms communs, de sa faculté de cicatriser les blessures, notamment les brûlures. Il devrait son nom latin à Telephius, un des fils d’Hercule, qui, selon la légende, aurait été guéri d’une blessure à la jambe occasionnée lors d’une bataille grâce à cette plante.
Le Sedum acre, à la floraison d’un jaune éclatant, doit son nom à une substance minérale, l’orpin, autrement appelée arsenic, qui est une vaine de terre de la couleur de l’or[5].

Autrefois, on le cueillait  la nuit de la Saint-Jean pour connaître l’avenir d’une relation amoureuse. Plus précis même, mais pas très facile à mettre en œuvre, pour deviner l’avenir des gens nés un dimanche à midi,  on peut, la veille de la Saint-Jean, ramasser à minuit de l’orpin en marchant à reculons[6]

Sedum anacampseros, qui affectionne les éboulis et les bordures de chemins, est, quant à lui, réputé ramener les époux infidèles dans leurs foyers. La encore c’est son nom qui nous le dit : «Anacampseros» signifie en grec «je ramène l’amour».

De façon générale, le sédum, au delà de ses propriétés médicinale, était un talisman très puissant car le végétal paraît survivre tout en étant arraché.

Que de qualités pour une plante… Alors si vous ne l’avez pas encore, courrez vous la procurer…


[1] Robinson W., 1870, Alpine flowers for English garden

[2] Filippi O., 2007, Pour un jardin sans arrosage, Ed. Actes Sud

[3] Oudlof, P. , Kingsbury N., 2006, Jardins d’avenir, Ed. Du Rouergue

[4] Serres (de) O., Théatre de l’agriculture et ménage des champs,  Actes Sud

[5] Laborde (de) L. , Notice des émaux, 1857.

[6] Plantes et magie en Provence du XVIè au XIXè siècle, Ville de Marseille, 1988

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Ils sont 2 commentaires

  1. Alti

    On en veut encore des jardins anglais ! Et surtout de ses leins avec un certaine esthétique !
    J’ai rencontré il ya un temps certain un photographe anglais qui avait bossé sur les jardins d’Eugene Sue et qui cherchait dans le nord de la France un lieu pour faire un truc du genre. Le monsieur expliquait trés bien sa méthode. Il considerait que le paysage devait d’abord se baser sur des choses existentes au préalable avant de devenir un « jardin cultivé ». « Civilisé » mais « sauvage » en même temps.
    Avec son vieux nikon tout pourri 24×36, il bossait vers les 47mn de focale soit a peu prés l’oeil humain. Je l’ai vu arpenter un champ en shootant tous les X pas pour batir un panoramique d’etude. Il avait prix le temps de calculer combien de pas il fallait pour ne pas avoir de distorsions en conservant ses angles et rendre compte d’une nature photographiquement réaliste. Les anglais sont fous. Cet anglais là m’a montré des photos de jardins anglais avec des tirages de 10x15cm mais sur 1M de long. Une espece de rapport intime entre le paysage, son contenu et son photographe.
    A bientôt . J


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