Jardin intime.

Jardin intime.

Que dit notre jardin de nous ? De notre rapport au monde ? De notre rapport au vivant ?

Mon jardin est un tout petit jardin en cœur de ville.

9 mètres sur 7, à peine.

Pas même 60 m2.

Il est en région méditerranéenne. Une région où le soleil règne en maître.

Et pourtant…

Un micocoulier, arbre de première grandeur s’il en est, occupe presque tout l’espace y répandant une ombre douce.

C’est un micocoulier de Virginie (Celtis occidentalis), à l’écorce rugueuse et à l’allure dégingandée comme tout ses congénères, au contraire de son cousin le micocoulier méditerranéen (Celtis australis) au tronc lisse et au port élégant, fréquemment planté en alignement sur les boulevards.

Il s’est semé, m’a-t-on dit, en lieu et place d’un marronnier d’Inde, décimé par je ne sais quelle maladie.

Un sauvageon échevelé venu là, tout seul.

C’est un signe, c’est sûr !

En arrivant ici en 2015, je n’avais pas de  projet de jardin en tête. Pas d’idée de composition esthétique. Tout juste avais-je besoin d’un peu de place pour les plantes qui m’accompagnent de jardin en jardin depuis tant d’années.

J’avoue avoir mis du temps à apprivoiser cette ombre qui m’était si peu familière, moi une fille des garrigues. Les bons coins pour une palette végétale gourmande de plein soleil étaient rares, les floraisons et les parfums moins abondants, les feuillages plus sombres.

Un lierre (Hedera helix) déployé sur un très haut mur, tentait bien de me séduire par l’étalage de toutes ses qualités, servant entre-autre de refuge et de garde-manger aux oiseaux du quartier, merles noir, mésanges, rougequeue noir, moineaux… Un bonheur !

J’ai fini par m’adapter.

Malgré ce, le choix des plantes de mon jardin n’a rien de savant.

A la question que l’on me pose souvent « que trouve-t-on dans un jardin de botaniste ? », sous entendu « quelles plantes rares ? », ma réponse est bien décevante.

On n’y trouve rien. Rien de précieux au sens où les botanistes collectionneurs l’entendent.

Aucune plante « exceptionnelle ». Non, juste des plantes compagnes, adoptées, poussant pour la majorité d’entres elles dans des pots, comme prêtes à me suivre ailleurs si besoin. Si j’ai eu la chance de toujours avoir des jardins, j’ai du les abandonner aussi, par les circonstances de la vie. D’où le jardin de pots, pour des plantes itinérantes.

Des plantes données, ou recueillies, souvent du sauvetage.

Des plantes peu habituées à vivre ensemble composant un assemblage improbable mais heureux, un jardin – auberge espagnole.

Les énumérer toutes s’apparenterait à un inventaire à la Prévert.

Vivent avec moi :

  • Un gracieux érable du Japon offert par mon ami Agustin, grand collectionneur du genre Acer,
  • Un citronnier offert par mes fils
  • des citronniers (très) épineux mais tellement odorants (Poncirus trifoliata) récupérés dans le jardin du peintre Jean Hugo, au mas de Fourques,
  • le rejeton d’un gigantesque Crassula arborescens, mort de froid il y a 2 ans, donné par mon amie Andrée,
  • un Xanthoceras sorbifolia, souvenir d’un jardin de garrigue,
  • des acanthes (Acanthus mollis) reliques du jardin potager de mon grand père,
  • une sauge des Andes (Salvia discolor) dont les fleurs presque noires exhalent une puissante odeur de cassis. Une bouture d’un pied qui survie héroïquement sur une terrasse ensoleillée de la Friche de la Belle de mai, offerte par Maria.
  • Un délicat bauhinia du Yunnan (Bauhinia Yunnanensis), provenant d’un jardin provençal, parti vaillamment, contre toute attente, à l’assaut d’un robuste pittospore (Pittosporum tobira),
  • Un précieux figuier (Ficus carica) dont je vais manger les figues dans quelques semaines, donné par Renée. Et d’autres bouturés lors d’herborisations diverses,
  • Des grandes euphorbes (Euphorbia characias) et des coquelourdes des jardins (Silene coronaria) qui ont décidé ne jamais me quitter, où que j’aille…,
  • Une vigne (Vitis vignifera) venue de je ne sais où,
  • des plantes de « vieilles », pour reprendre l’expression de mon ami David, d’une résistance à toute épreuve : phalangères (Chlorophytum comosum ‘Variegatum ‘), langues de belle-mère (Apidistra eliator), porcelaines (Graptopetalum paraguayense)…
  • des plantes faciles à bouturer, plantes grasses, géraniums odorants, orpins (Sedum spectabile), souvenirs de voyages,
  • un sureau (Sambucus nigra), un cornouiller (Cornus sanguinea), un rosier « Félicité et Perpétue », transportés à mon insu dans le pot d’un buis pyramidal depuis les jardins de la Bigotie. Ces derniers sont peut-être ceux auxquels je suis le plus attachée, tant je ne m’attendais pas à les voir me suivre ici.

La liste ne s’arrête pas là, mais difficile de tout dire.

Toutes ces plantes, on le comprend, n’ont de valeur qu’intime, personnelle.

Mais aussi petit soit-il, le jardin qu’elles composent est un univers de paix et de calme et fraicheur, des qualités inestimables par les temps qui courent que je partage avec les oiseaux.

Véronique Mure

Juillet 2019


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Ils sont 7 commentaires

  1. Di Stefano

    Véronique,
    Merci pour ce partage si touchant. Ton jardin est gracieux et plein de charme, sans excès. Et quelles photographies, comme toujours !
    Bel été à toi et toutes tes protégées.
    Jérémy

  2. Annie BESSET

    Ton jardin reflète ton sourire, ton humour discret et les multiples facettes de ton être, la voyageuse et en même temps tout le savoir de la botaniste, ta connaissance des plantes et tes recherches continues pour vivre en symbiose avec elles.
    Prends soin de toi et de ces trésors qui t’entourent.
    Annie

  3. Seguin

    Touchée par ce sujet tellement personnel.
    J’ai assisté à la table ronde où vous étiez avec Gilles Clément au Mucem, et participe à la ballade de la poudrerie à St Chamas, deux moments précieux.
    Je vous en remercie.
    En espérant vous rencontrer à nouveau.

    Anne-MarieSeguin


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