Petit quizz éthnobotanique pour temps de confinement (suite)

Petit quizz éthnobotanique pour temps de confinement (suite)

Sauriez vous nommer les plantes qui sont évoquées dans les photos suivantes (27 photos pour 19 plantes)  ? J’en conviens les méditerranéens sont avantagés…

A vous de jouer !

(Réponses après les photos.)

Plante 1

2 – © Véronique Mure

Plante 2

3 – © Véronique Mure

4 – © Véronique Mure

5 – © Véronique Mure

Plante 3

6 – © Véronique Mure

7 – © Véronique Mure

Plante 4

8 – © Véronique Mure

Plante 5

9 – © Véronique Mure


10 – © Véronique Mure

Plante 6

11 – © Véronique Mure

Plante 7

12 – © Véronique Mure

Plante 8

13 – © Véronique Mure


14 – © Véronique Mure

Plante 9

15 – © Véronique Mure

Plante 10

16 – © Véronique Mure

Plante 11

17 – © Véronique Mure

Plante 12

18 – © Véronique Mure


19 – © Véronique Mure


20 – © Véronique Mure

Plante 13

21 – © Véronique Mure

Plante 14

22 – © Véronique Mure

Plante 15

23 – © Véronique Mure

Plante 16

24 – © Véronique Mure

Plante 17

25 – © Véronique Mure

Plante 18

26 – © Véronique Mure

Plante 19

27 – © Véronique Mure

Réponses du QUIZZ ETNOBOTANIQUE N°2

  1. (Photo 1) –Mûrier blanc, Morus alba– Moraceae

C’est au pépiniériste nîmois François Traucat que nous devons l’introduction et la culture de cet arbre d’or, originaire de Chine au XVIe siècle. De 1564 à 1606, le jardinier-marchand inonde la Provence et le Languedoc de plus de 4 millions de pieds issus de ses propres pépinières, à l’instar de l’oeuvre de son ami l’illustre agronome Olivier de Serres, avec la bénédiction du bon roi Henri. Tout le monde investit alors dans le mûrier blanc, générateur de très bons revenus ; Les vers (chenilles du papillon Bombyx mori) nourris avec ses feuilles produiront des cocons aux fils longs et solides. Plus longs qu’avec tout autre arbre, améliorant ainsi les productions. Mais en 1860, la maladie qui s’abat sur le Bombyxconduit la sériciculture vers une régression inexorable, malgré l’intervention de Pasteur. Le mûrier blanc, lui aussi affaibli par des années de surexploitation, suit le ver dans son déclin. Les essais de substitution par d’autres essences, mûriers à papier, oranger des osages, ailantes… furent tous vains. Fin d’une histoire ! Quelques très beaux et vieux arbres alignés le long des routes du midi nous la rappelle.

2.  (Photo 2) -Chêne blanc, Quercus pubescens– Fagaceae

Les feuilles du chêne blanc portent parfois des galles en forme de petite boulle, provoquées par un insecte, un cynips, Neroterus quercusbaccarum, petit hyménoptère de la famille des abeilles ou des guêpes. Très riches en tannins, ces galles étaient utilisées comme colorant dans le tannage des cuirs ou pour produire de l’encre noire. 

Les chênes sont les essences les plus présentes en France. Ce sont des arbres à bois très dur, de couleur jaunâtre à cœur brun. Un boistrès prisé car également très résistant aux insectes et aux champignons grâce à sa forte teneur en tanin. Les grandes planches des chênes caducifoliés étaient utilisées pour réaliser des boiseries d’intérieur de bâtiments prestigieux. Mais aussi pour la construction navale jusqu’au XIXe siècle et dans l’édification des charpentes (une pensée pour Notre Dame), mais aussi en ébénisterie, parquèterie, tonnellerie, charronnage… Autant d’usages qui ont conduit alors à la destruction des forêts.

3. (Photos 3 – 4 – 5) –Garance voyageuse, Rubia peregrina– Rubiaceae

Lisières et haies méditerranéennes abritent la garance voyageuse, une petite liane rugueuse d’une très grande vivacité, proche des gaillets. Sa tige, de section carrée, porte des feuilles disposées en verticille par 4, munies de dents crochues sur les bords et la nervure dorsale. Son système racinaire, long et rampant, renferme les principes colorants rouge orangé, mais de bien moindre valeur tinctoriale que sa proche parente la garance tinctoriale (Rubia tinctoria) originaire de Perse. Cette dernière fut employée dès l’Antiquité par les teinturiers du bassin méditerranéen, et plus tard par ceux de l’Europe médiévale. 

Jusqu’au XIXe siècle, en Europe le rouge a occupé une place prééminente. Celui que l’on tirait des racines de la garance donnait sans conteste la couleur la plus solide. Colbert avait promulgué une instruction sur sa culture et son emploi sous le règne de Louis XIV. Un édit royal exonérait de l’impôt toute personne qui la cultiverait dans les anciens marais asséchés. En 1698, un marchand de Nîmes, Martin, avait obtenu un privilège royal pour en introduire la culture dans le Languedoc, mais ses tentatives restèrent vaines. L’on doit sa réintroduction à un arménien, Johannis Althonian, en 1760, qui a laissé son nom au village d’Althen des Paluds dans le Vaucluse qui fut au centre de la culture de la garance en France. Elle s’est maintenue malgré la découverte de l’alizarine (couleur garance de synthèse) dans la deuxième moitié du XIXe siècle,  grâce aux commandes du gouvernement pour la teinture des pantalons et des mouchoirs de coton de l’armée. Mais la guerre de 1914 a marqué la fin des pantalons rouges, trop voyants, entraînant avec eux la fin de la culture de la garance. 

4. (Photos 6 – 7) –Lavande, Lavandula officinalis– Lamiaceae

Comme toutes ses « cousines » de la famille des Lamiacées (thym, romarin, sauge…), la lavande sature l’air chaud du plein été de notes olfactives « aromatiques ». Une note de tête à l’odeur agreste, florale, herbacée qui lui confère un caractère virilet énergétique. Voilà pourquoi on la retrouve souvent utilisée dans les parfumsmasculins…

Non contente de flatter notre odorat, elle enchante aussi notre vue de ses inflorescences bleutées, le célèbre « bleu lavande », évocateur du Midi et des ciels d’été justement. On peut même avancer que les champs de lavande cultivée, surtout du lavandin, très généreux en huile essentielle, où s’alignent à l’infini ses grosses touffes aux formes arrondies, font partie du patrimoine de la Provence au même titre que les olivettes et les cyprès. 

Depuis les rituels de momification de l’ancienne Egypte jusqu’aux sachets de fleurs séchées, glissés entre les piles de linge, la lavande est depuis toujours indissociable de notre besoin de pureté. Dans l’antiquité, grecs et romains l’utilisaient pour parfumer leurs vêtements et l’eau du bain. Même l’origine de son nom, du latin lavare, laver, témoigne de l’importance de cet usage. Les « lavandières » qui parfumaient l’eau de leur lessive à la lavande, le confirment.

Puissant antiseptique, l’huile essentielle de la lavande vraie (Lavandula angustifolia syn.L. officinalis, L. vera), est réputée pour cette propriété et bien d’autres.

Mais d’où lui viennent ces qualités ?

L’observation attentive d’une fleur de lavande, et de son calice en particulier, révèle qu’ils sont recouverts de minuscules poils épidermiques, les trichomes glandulaires, gorgés d’essence. La nuit, les trichomes fabriquent et accumulent des huiles essentielles. Dans la journée, elles seront libérées par évaporation, consommant ainsi de la chaleur et refroidissant la plante.  Une technique de climatisation autrement dit…

5. (Photo 8) – Canne de Provence, Arundo donax, Poaceae 

Avec son chaume haut de 2 à 5 mètres, d’une rigidité exceptionnelle, la canne de Provence a, dès l’Antiquité, été cultivée dans des « canniers », souvent dans un coin du potager, pour de multiples usages. 

Pline souligne l’importance stratégique que cette herbe géante a pu avoir. C’est le roseau qui décide les guerres de l’Orient : on y fixe des pointes en hameçon (…). Si l’on énumère les Ethiopiens, les Égyptiens, les Arabes, les Indiens, les Scythes, les Pactriens, tant de nations sarmatiques, tant de peuples de l’Orient, tous les royaumes des Parthes, on verra que la moitié du monde environ vit sous un empire immense par les roseaux.

Olivier de Serres lui attribue des usages plus « domestiques » : « Pour  l’utilité qu’on tire du service des rozeaux (sic)ou cannes, joincte la facilité de leur entretenement, sera le père-de-famille incité à se pourvoir abondamment de telles plantes. Des cannes, très proprement, l’on dresse ès jardins mille gentillesses, treilles, cabinets, barrières, et autres mignardises. On en faict des tables pour sécher dessus toutes sortes de fruicts, et y nourrir des vers-à-soye, lesquelles tables, en Languedoc et en Provence on appelle, canisses. »

Elle est bonne à tout faire dans le jardin potager : abriter du vent, soutenir les plants de tomate, ombrager les jeunes semis… En dehors du jardin, elle sert à confectionner de menus objets, des jeux pour enfant, comme ici, ou les salières-poivrières  des bergers… mais ce sont surtout ses propriétés sonores dont il faut se souvenir. L’aptitude de son chaume à chanter avec le vent et au souffle des joueurs de flutes, clarinettes, hautbois, saxophones. La nymphe Syrinx pour échapper au dieu Pan, mi-homme, mi-bouc, ne s’était-elle pas changée en canne ? C’est par dépit que le dieu pastoral choisi plusieurs cannes pour en faire une flute…  De la flute de Pan aux anches des instruments à vent, fabriquées en Provence, il y a eu plusieurs siècles, mais pas de très grands pas. 

6. (Photos 9 – 10) – Rose de Damas, Rosa damascena – Rosaceae

Les habitants de la Vallée des Roses, aux pieds du Haut-Atlas marocain, cultivent les rosiers de Damas en marge des cultures de blé, de luzerne, et des arbres fruitiers. Ces lopins de terre sont tous délimités par des haies de la belle mais épineuse qui leur offrent ainsi une bonne protection. Le rosier profite, quant-à-lui, de l’eau et de la fumure apportées aux cultures.

Bien qu’étant une culture d’appoint, la cueillette des boutons de rose une grande importance pour les populations locales. C’est une source de revenus importante à la saison de la floraison. Tous les matins, au printemps, les cueilleurs et cueilleuses les récoltent, tôt le matin ou en fin de journée. Un fois séchées, les boutons servent à confectionner des pots-pourris embaumants. Les fleurs écloses sont, quant-à-elles, distillées fraîches pour produire de l’eau de roses, utilisée pour aromatiser certaines pâtisseries. Le Marocest également l’un des principaux producteurs mondiaux d’essence de rose après la Bulgarie et la Turquie. 

Savez-vous qu’en Provence, jeter quelques boutons de rosedans un feu procure la chance ? 

7. (Photo 11) – Févier trois épines, Gleditsia triacanthos– Fabaceae

Le févier d’Amérique est un arbre étalé au port léger qui porte de grandes gousses tortueuses couleur acajou très décoratives et de grandes épines acérées. D’une grande rusticité, il s’adapte dans toutes nos régions.En Languedoc, il a souvent été planté comme haie défensive et s’est naturalisé. Il y portait parfois le nom d’arbre aux escargots, pour la simple raison que ses épines dures et très longues servaient à extraire le mollusque de sa coquille. Les épines pouvaient même être gravées au nom des convives

8. (Photo 12) – Pavot, Papaver somniferum– Papaveraceae

En Occident le fruit du pavot, une capsule indéhiscente, est comparé à une tête humaine coiffée d’un petit chapeau.C’est à partir de son suc, un latex blanc laiteux, que l’on obtient l’opium dont on extrait la morphine et l’héroïne. Le suc suinte des incisions faites à la surface de la capsule encore verte qui laissent ces longues cicatrices, une fois le fruit sec. Cette capsule est un attribut de Morphée, dieu des Songes dans la mythologie grecque, et fils d’Hypnos, dieu du Sommeil. Les pavots étaient d’usage courant dans l’Antiquité gallo-romaine pour leurs qualités médicales (sédatives, analgésiques, psychotropes etc.) ou alimentaires.L’opium fut décrit scientifiquement par le médecin grec Dioscoride au Ier siècle de notre ère ; au IIesiècle, Galien, médecin à la cour des empereurs de Rome, en fit l’un des constituants principaux de la thériaque, célèbre préparation utilisée comme antidote des poisons les plus divers. Associé par les Grecs toujours, à Déméter, déesse de l’agriculture, de la terre cultivée, de la terre fertile,  (Cérès chez les Romains) dont il est l’un des attributs végétaux, sa capsule symbolise alors une matrice analogue à la terre, un utérus comparable à celui de la Mère. Les innombrables semences qu’elle contient sont des signes de fertilité[1]

9. (Photos 13 – 14) – Fenouil, Foeniculum vulgare– Apiaceae

En méditerranée, le fenouil est connu comme plante aromatique pour parfumer les olives et le poisson, mais surtout pour ses propriétés digestives et plus largement médicinales. Il fortifie la vue, « chasse les vents » et favorise le sommeil, soigne les maladies des voies urinaires, et même arrête le hoquet en médecine chinoise…. En Camargue, il est associé dans la mémoire populaire, à la guerre 1939-1945. Pendant la guerre, nous disent les saintois, les plantes servaient à tout. Les paluniers ramassaient le fenouil pour le vendre en pharmacie, pour faire le pastis, et remplacerl’anis.[2] De petits escargots blancs des bords de vignes, les caragouilles rosées, affectionnent particulièrement ces hautes tiges rigides sur lesquelles elles s’accumulent en grappes, pour estiver et ainsi fuir la terre trop chaude de l’été.

10. (Photo 15) – Laurier noble, Laurus nobilis– Lauraceae

Considéré par les anciens comme symbole de gloire, la valeur symbolique du laurier noble, le laurier d’Apollon (lire ici), n’est pas sa seule qualité. Les fruits de cette Lauracée, des baies, contiennent une huile essentielle aux propriétés purifiantes et restructurantes, recommandée dans les soins des peaux. Son odeurpuissante et aromatique, poivrée, et fraîche, si caractéristique, domine dans l’odeur du savon d’Alep composé de cette huile, etdont la fabrication reste inchangée depuis la Haute-Antiquité. Né en Mésopotamie, il est l’ancêtre du savon de Marseille. Bruler quelques feuilles de lauriers séchées dans la maison, purifie également l’air et élimine la fatigue et les tensions. Des qualités précieuses en ces temps de confinement.

11. (Photo 16) – Datura stramoine, Datura stramonium– Solanaceae

En Europe, la stramoine avec ses grandes fleurs blanches tubuleuses est une adventice commune des friches et des cultures. Son fruit est une capsule, renfermant des graines très noires. Toute la plante est violemment vénéneuse. Toxiques en raison de la richesse en alcaloïdes de tous leurs organes, les daturas ont été utilisés par de nombreuses sociétés traditionnelles (notamment les peuples précolombiens) pour leurs propriétés psychotropes et hallucinogènes. 

Toutes les Solanacées contiennent des alcaloides et sont vénéneuses, au moins sur une partie de la plante ou à un stade de développement. On trouve donc dans la famille des plantes officinales, toxiques, voire hallucinogènes, et souvent associées aux rituels de magie, telles que la belladone, la jusquiame, la stramoine et la mandragore. Des plantes de sorcières… 

Le datura stramoine est originaire d’Amérique centrale et tropicale, comme la plupart des Solanacées. Une famille d’une grande importance économique car beaucoup de plantes ornementales (pétunia, datura, tabac), industrielles (tabac) et surtout bon nombre de fruits et légumes (tomate, aubergine, piments, poivrons, pomme de terre…) en sont issus.

12. (Photo 17) –Absinthe, Artemisia absinthium– Asteraceae

Il y a 25 siècles déjà, tout autour de la Méditerranée, on buvait du «Vinum silatum», un apéritif à base d’absinthe et de fenouil. Mais c’est avec la mode des « Piments » de Montpellier et autres vins d’armoises, d’absinthe, d’anis ou d’épices, au XVIIIe siècle, que la consommation des « anisés » réapparut vraiment. Si l’usage de l’anis est typiquement méditerranéen, les montagnards des Alpes et du Jura avaient, quant à eux, une prédilection pour une autre plante apéritive : l’absinthe. Dès 1797, le distillateur Henri-Louis Pernod mis au point dans le Jura Suisse une liqueur titrant 72°. L’absinthe Pernod devint la boisson attitrée des officiers de l’armée coloniale française avant de devenir celle des artistes et de la bonne société parisienne. Sa consommation se généralisa et atteignit des sommets à partir de 1860. L’apparition de contrefaçons à bas prix et parfois très dangereuses (les « sulfates de zinc ») d’une part, les effets conjugués de l’excès d’alcool et de la présence de thuyone (la composante toxique du breuvage) d’autre part finirent par détériorer son image et avoir raison de son commerce. Son interdiction pure et simple par les pouvoirs publics intervint en 1915. Elle s’étendit également à toutes les boissons anisées (appelées à l’époque « similaires de l’absinthe »). Si cette la loi mit un coup d’arrêt à la production d’absinthe, elle entraîna également la naissance d’un trafic de contrebande des anisés. Bon nombre de cafetiers se mirent à vendre sous le comptoir des boissons de fabrication personnelle plus ou moins frelatées. A Marseille, durant cette période, presque chaque café possédait sa propre recette. En 1920, sous la pression des distillateurs, les apéritifs anisés furent de nouveau autorisés sous réserve qu’ils ne contiennent pas d’absinthe, que leur couleur ne soit pas verte, que la teneur en sucre minimale soit de 10 g par litre et par degré d’alcool et que ce taux d’alcool ne dépasse pas 30%. Un tel taux, avéré trop faible pour assurer une dissolution suffisante des essences végétales fut porté à 40% dès 1922. La légalisation entraîna donc le drainage des consommateurs d’absinthe vers de nouveaux produits. La maison Pernod qui avait vu se fermer le marché de l’absinthe et dont l’image souffrait encore des ravages alcooliques du début du siècle s’engouffra dans ce nouveau créneau. Elle ne fut pas la seule…

13. (Photos 18 – 19 – 20) – Caroubier, Ceratonia siliqua– Fabaceae

Le caroubier est unarbre de moyenne envergure, à feuilles persistantes et coriaces. Une plante xérophile qui s’accommode des climats chauds. Comme pour l’immense majorité des plantes de zones arides et semi-arides, et en particulier une majorité de Fabacées, le caroubier bénéficie de symbioses racinaires. Il porte des nodules qui abritent des bactéries du genre Rhizobium fixatrices d’azote.

Cette espèce semble avoir existé à l’état sauvage dans la région méditerranéenne (Levant et Arabie) mais on ne la connaît plus actuellement que cultivée ou à l’état subspontané. Uneculture qui remonterait à plus de deux mille ans avant notre ère.[3]

Pierre Belon, l’infatigable naturaliste voyageur, l’a rencontré alors qu’il parcourait la Provence en 1588. Le fruict de ce Caroubier, (…),est nommé des Grecs Keration; sa semence, pesant six grains, a faict dire Karats au poix de l’or. (…) Ce sont arbres qui aiment à naistre sur les pendans pierreux, au pied des montaignes, et aux rivages de la mer, et aussi en terre ferme, ayans si grande affluence de grandes gousses ou siliques, qui sont leurs fruicts, qu’en faulte d’Orge, Foin et Avoine, ils nourrissent leurs Anes, Mulets et Chevaux d’elles. Mais iceux, en les mangeant, laissent les graines es mangeoires, et qui n’avoient accoustumé estre amassées avant que les eussions advertiz de les serrer. Voyla pourquoy fai-sant mention des Caroubes ne sera difficile de recouvrer leur semence, d’autant qu’il ya asseurance des personnes du pays qui en délivreront plus de vingt livres pour chacun escu.

Comme le souligne Belon, les graines du caroubier sont réputées avoir un poids si constant qu’elles ont servi à étalonner l’or et autre pierres précieuses. Le carat des bijoutiers n’est autre que le poids d’une graine de caroubier, enfin à peu près…. 

Son écorce et ses feuilles furent employées pour tanner les peaux. Son bois, blanc jaunâtre jeune, rose veiné en vieillissant, puis rouge foncé, est utilisé en marqueterie ; Les fruits, ou caroubes, sont surtout utilisés comme fourrage, et de façon moindre dans l’alimentation humaine où ils sont réputés pour leur goût de chocolat, et pour la fabrication d’un alcool. Bien que d’usage médicinal modeste ses fruits et ses graines sont puissants antidiarrhéiques, employés dans les diarrhées des nourrissons. 

14. (Photo 21) – Encens, Boswellia sp. – Burseraceae

En montant vers le ciel, les fumées sacrées de l’encens élèvent les prières des fidèles comprend-on en lisant la bible. Utilisé dès la plus haute antiquité dans un cadre religieux, l’encens se négociait alors plus cher que l’or, et de véritables routes commerciales furent ouvertes pour permettre son acheminement dans de bonnes conditions afin de combler la demande exponentielle qu’en faisaient les divers cultes. Mais d’où provient cette matière si précieuse ? On la doit principalement au Boswellia Sacra, un petit arbre poussant sur les bords de la Mer Rouge qui produit, quand on en incise le tronc, une résine coagulant au contact de l’air et que l’on ramasse à la main.L’Oliban de Somalie est le véritableencens d’Oliban.

15. (Photo 22) – Riz de Camargue, Oryza sativa, Poaceae

C’est du riz de Camargue dont je voudrais vous parler. Les premiers essais de cette culture y remontent au XVe siècle et ne furent poursuivis que timidement sous la Restauration. Son principal objectif était alors de dessaler les terres. Mais les difficultés pour amener une quantité d’eau douce suffisante et un travail pénible, ont limité son développement.

Il faut attendre le XXe siècle pour que la riziculture dans le delta du Rhône connaisse un développement spectaculaire. L’isolement de la France durant la Seconde Guerre Mondiale la remit à l’honneur. A partir de 1946, environ 5000 hectares y sont mis en culture. Les incitations financières du Plan Marshall ont permis de moderniser le réseau hydraulique et les surfaces cultivées atteignent 32500 hectares en 1960. Après cet essor rapide la riziculture s’est révélée difficile à maintenir, retombant à 4000 hectares en 1980. Suite à un plan de relance les surfaces ont été à nouveau multipliées par cinq en quinze ans tout en dépendant constamment  des cours du marché et des aides de l’Union européenne. Par voie de conséquence, en sont aussi dépendant les paysages camarguais.[4]L’énorme besoin en eau douce de la culture du riz a non seulement engendré de profondes modifications dans les systèmes de gestion de l’eau de la Camargue mais également dans les paysages qu’elle produit.

16. (Photos 23 – 24) – Quinquina, Cinchona officinalis– Rubiaceae

Nous voilà au cœur de l’actualité ! L’écorce du quinquina, arbre emblématique du Pérou, figurant sur le blason national, produit la fameuse quinine utilisée contre toute sorte de fièvre. Le terme quinquinaest polysémique. Il peut aussi bien désigner l’arbre de l’espèce Cinchona officinalis que le genre Cinchona. Par ellipse, il désigne aussi l’écorce de quinquina (la matière médicale) ou le vin de quinquina (un apéritif). Leur nom botanique évoquerait la comtesse de Chinchon, épouse d’un vice-roi du Pérou, qui aurait été guérie d’une fièvre en 1635 grâce à la poudre de l’une de ces plantes… Une légende certainement, mais qui lui valu l’appellation de « poudre de la comtesse » ou « poudre des Jésuites ». Ceux-ci étant à l’origine de la découverte de ses propriétés. Le nom de Quinquina viendrait de « kina-kina », qui signifie « écorce des écorces » en péruvien. 

Plus tard, l’usage du quinquina par Louis XIV à l’occasion de plusieurs fièvres survenues dans les années 1680 à 1700 fut, par contre, largement documenté. En 1682, Jean de La Fontaine dans un long « Poème du quinquina » de plus de 600 vers, en chanta, les bienfaits : Le quina s’offre à vous, usez de ses trésors, concluait-il… A cette même époque, une « querelle du quinquina » oppose Robert Talbot, médecin anglais, à Nicolas de Blégny, proche de Daquin, premier médecin du roi. Cet exemple royal, référence pour bien des courtisans, met aussi en lumière le processus de diffusion du traitement dans la haute société. Dès que Louis XIV utilise la poudre des Jésuites, le remède se banalise et entre définitivement dans les pharmacopées[5]. Un relevé des soins dispensés par un médecin d’Excideuil à la famille dite « Mambreuze », entre le 2 septembre 1702 et le 23 juin 1714, montre que la pratique thérapeutique fait déjà usage du quinquina au tout début du XVIIIe siècle dans ce coin reculé de la Dordogne. La bouteille ou la chopine de quinquina était vendue 2 livres. Elle permettait probablement  8 prises. En septembre 1704, Mambreuze s’en fera prescrire 3 bouteilles et demie. 

L’espèce a été décrite en 1739, par Charles-Marie de La Condamine et Joseph de Jussieu dans la province de Loxa (Pérou) puis, un siècle plus tard, par la naturaliste voyageur Aimé Bonpland qui avait résidé dans ce pays. En 1818, une étude sur les quinquinas du Pérou lui fut demandée pour le ministre de l’Intérieur de l’époque. Ce fut Pierre-Antoine Poiteau, botaniste du Roi à la Guyane française qui se chargea de l’entreprise. Mais durant des siècles ses propriétés thérapeutiques furent l’objet de polémiques… trop longues pour être relatées ici.

Longtemps été administré sous forme d’infusion dans du vin, le quinquina a pris en quelques siècles le statut d’apéritif, à une époque où les vins amers aromatisés devinrent à la mode. C’est sous cette forme que je l’ai découvert dans ma jeunesse, concocté par mon grand-père pharmacien. Celui-ci faisait macérer pendant 15 jours, un paquet d’écorces de « Quina provençal » fait à base de plantes naturelles (on ne sait pas lesquelles) dans 4 ou 5 litres de vin blanc, additionnés d’un kilo de sucre et ½ litre d’alcol à 45°. « Un apéritif de famille » vante la boite, formulé par Mure (un homonyme) en 1823, à Bourg-Saint-Andéol…

Au cœur de nouvelles polémiques, les propriétés de cet arbre n’auront donc jamais fait consensus depuis 4 siècles, et portant il est aujourd’hui en danger d’extinction. 

17 (Photo 25) – Figuier, Ficus carica – Moraceae

Impossible pour moi de ne pas parler du figuier… Arbre symbolique de nos régions méditerranéennes, son histoire présente beaucoup d’analogies avec celle de l’olivier. Des arbres civilisateurs. Son habitat préhistorique s‘étend sur les régions moyennes et méridionales de la mer méditerranée, depuis la Syrie, jusqu’aux Iles Canaries. 

Comme l’olive, la figue a de tout temps accompagnée les civilisations méditerranéennes. 

Dans les pays du pourtour de la Méditerranée, le figuier est sans cesse occupé à produire des figues. Ses rameaux en portent toute l’année. Il était donc tout naturel qu’il soit devenu un symbole de fertilité. Dans la mythologie grecque, le figuier était l’arbre de Dionysos, Priape, dieu de la fécondité. A Rome, il était dédié au dieu Mars. 

Il est l’image de l’ancien Israël et symbolise la paix, la prospérité, l’abondance. Premier arbre mentionné par la Bible (Gn 3.7) il en est question 57 fois.

La littérature rabbinique signale quant à elle que sous le figuier on trouve un lieu ombragé, discret, propice à l’étude de la Torah. 

Pour la religion catholique cependant l’arbre est maudit car Judas s’y serait pendu (d’autres versions citent l’arbre de Judée). C’est pourquoi en Provence comme en Languedoc, brûler du figuier porte malheur et en rêver est un mauvais présage.[6]

Consommée fraiche ou desséchée depuis l’antiquité, la figue a des qualités gustatives et nutritionnelles qui en font un fruit d’exception. Dans l’antiquité elle est à la base du régime des athlètes en période olympique et le fruit préféré Cléopâtre au point que l’aspic devant la tuer avait été, à sa demande, caché dans une corbeille de figues. 

A la fin du XVe siècle, est née l’expression « mi figue – mi raisin », pour signifier qu’une personne avait à la fois du bon et du mauvais. Le rapprochement de ces deux fruits n’est pas anodin. On dit que les marchands de Corinthe qui transportaient les raisins secs y ajoutaient furtivement des figues… Cela n’a pas empêché, au début du XVIIe siècle, Olivier de Serres d’en vanter les qualités dans son « Théâtre d’agriculture et mesnage des champs » : « La bonté de la figue n’est mise en dispute, chacun tenant ce fruit là estre des plus exquis, lequel et le raisin, par jugement universel, sont estimés la coronne de tous les autres… »[7]

18. (Photo 26) – Pin d’Alep, Pinus halepensis– Pinaceae

Le Pin d’Alep, Pin blanc, ou Pin de Jérusalem est une essence opportuniste qui repeuple les terrasses anciennement cultivées, désormais à l’abandon dans les régions méditerranéennes au dessous de 800m. C’est aussi un pyrophyte, qui a besoin du feu pour se reproduire et à ce titre sa présence dans les franges urbaines participe à la vulnérabilité de ces territoires (j’ai eu l’occasion d’en parler il y a quelques années…ici ). Jusqu’à une récente certification, le bois de cette essence n’avait guère d’usage. Et surtout on considérait qu’il ne pouvait produire qu’une térébenthine de médiocre qualité en comparaison des meilleures térébenthines landaises… Cela n’empêcha pas le botaniste Louis Planchon de faire des essais aux environs de Montpellier en 1910. Il montra qu’il n’en était rien et que la térébenthine du pin d’Alep était comparable à celle de Bordeaux. Il convainquit ainsi les propriétaires de garrigues improductives du nord de Montpellier de l’utilité des reboisements en pins destinés à l’exploitation de la résine. Ainsi le gemmage sur pin d’Alep a-t-il été pratiqué en suivant les règles landaises légèrement modifiées. J’en ai moi même retrouvé la trace sur les pins emblématiques du zoo de Montpellier.

19. (Photo 27) – Chêne vert, Quercus ilex– Fagaceae

Jusqu’au milieu du XXe siècle, les forêts méditerranéennes et le chêne vert en particulier, furent exploitées et même surexploitées, pour le « bois-énergie », dirait-on aujourd’hui. Ainsi les yeuses ont-ils joué, dès l’Antiquité, un rôle prépondérant dans l’économie rurale méditerranéenne. Son excellent pouvoir calorifique et sa facilité à rejeter de souche le classaient parmi les bois d’une grande utilité.C’était un combustible indispensable pour le chauffage, mais aussi pour les fours des nombreuses industries, pour la production de charbon de bois, et de fagots pour la boulange. Son écorce moulue fournissait aussi du tan et servait à préparer les peaux. Enfin ses glands étaient utilisés dans l’alimentation : les glands amers pour la nourriture des animaux, les variétés à glands doux pour l’alimentation humaine. Une utilisation qui refait surface semble-t-il…


[1]Tervarent, G. (de), Attributs et symboles dans l’art profane : Dictionnaire d’un langage perdu, Droz, Genève, 1997, p. 352.

[2]Sources : Etude ethnobota : Annexe_Exemples de plantes utiles hypo 1

[3]Evreinoff, V.A. « Le caroubier ou Ceratonia siliqua L. » »,Rev. Bot. App. 1947, 27 – 389 – 401

[4]Sources :environnement.ecole.free.fr/camargue/culture%20riz%20camargue.htm

[5]Ferez Stanis, Louis XIV et le quinquina, Vesalius, IX, 2, 25-30, 2003 

[6]ibid 3

[7]Olivier de Serres « Théâtre d’agriculture et mesnage des champs », Nelle édition Actes Sud Thésaurus 1997

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